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encore agir par mer ; il équipa une flotte qu’il envoya inquiéter les côtes d’Angleterre ; la ville de Southampton fut pillée. Le roi de France comptait sur de nombreux alliés, sur un notamment dont l’autorité morale faisait toute la force, le pape Benoît XII, qu’il tenait à Avignon sous sa dépendance. Edouard fuyait toujours la bataille, et à la tête de 40,000 ou 50,000 Anglais, Allemands, Hennuyers et Brabançons, il traversait le Cambrésis, terre d’empire, et allait ravager le pays jusque sur les bords de l’Oise. Philippe avait enfin réuni ses alliés, et, campé à Saint-Quentin, il s’apprêtait à livrer une de ces grandes batailles en façon de tournois, telles que les entendait la chevalerie. Edouard III n’était pas éloigné d’accepter le défi, car il était impatient de vaincre, et déjà il demandait qu’on fît choix d’une plaine pour ce grand duel qui pouvait décider de la couronne de France. Mais cette fois Philippe fut plus avisé qu’il ne se montra dans la suite ; il en crut ses conseillers, qui l’engageaient à ne pas tenter une action décisive ; il se contenta de barrer le chemin à son ennemi, de le laisser fatiguer ses troupes, dont beaucoup avaient hâte de rentrer dans leurs foyers. Edouard fut donc contraint de se replier sur Bruxelles. Les princes des Pays-Bas prirent congé de lui, et il comprit que l’expédition était manquée. Cette équipée ne fit que mettre plus en évidence l’impuissance des armées féodales ; elles ne pouvaient tenir longtemps campagne, car les seigneurs étaient toujours prêts à remmener leurs contingens, et ils se trouvaient en outre souvent tiraillés entre des obligations contraires nées d’une double vassalité. Le comte de Hainaut, qui avait accueilli Edouard un des premiers, qui en avait reçu des subsides, vassal à la fois de l’empire et de la France, s’était tiré de la difficulté en servant tour à tour ces deux puissances. Il avait marché avec les Anglais dans le Cambrésis et avec Philippe VI dans le Vermandois. Les Flamands, enclins à soutenir Edouard, mais qui redoutaient le roi de France, avaient gardé la neutralité. Ils en sortirent cependant quand le roi d’Angleterre leur eut octroyé des privilèges et eut conclu avec eux des conventions commerciales à leur avantage ; ils reconnurent Edouard pour le légitime héritier de Charles le Bel : ils mettaient à l’aise leur conscience de vassaux de la France. Le roi d’Angleterre ne voulut pas se risquer à tenter sur terre une bataille où le succès était douteux, et, plus confiant dans ses vaisseaux que dans ses armées, il attaqua la flotte française devant l’Écluse, songeant d’ailleurs à s’assurer les moyens d’opérer une descente sur le point du continent qui lui était le plus favorable. Les Anglais avaient le vent pour eux ; ils surent choisir une position avantageuse. L’amiral génois qui servait sous notre pavillon, Barbavara, comprit qu’il combattrait avec désavantage, serré qu’il était contre la côte ; il gagna la haute mer avec son