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l’ouvrage de M. Luce permettent de se faire une idée des principes d’après lesquels elle fut établie. Par l’ordonnance du 20 décembre 1334, que d’autres vinrent renouveler, ce prince enjoignit à tout Anglais jouissant depuis trois ans de 40 livres de terre ou de rente et qui n’était pas encore homme d’armes, d’embrasser la profession militaire. Une ordonnance complémentaire prescrivit, sous les peines les plus sévères, à ceux qui avaient 20 livres de terre ou de rente de se pourvoir de chevaux, de harnais et des armures tant défensives qu’offensives propres aux hommes d’armes montés ; ceux qui possédaient 15 livres devaient se munir d’un haubergeon (cotte de mailles), d’un chapeau de fer, d’une épée, d’un couteau et d’un cheval. Tout rentier de 10 livres devait être pareillement armé, mais n’était pas tenu d’être monté. Tout rentier de 100 sous devait avoir un pourpoint, un chapeau de fer, une épée et un couteau ; tout rentier de 40 à 100 sous avait à s’armer d’une épée, d’un arc, de flèches et d’un couteau. Tout rentier de moins de 40 sous devait s’armer de faux, de guisarmes, de couteaux et autres menues armes. Le propriétaire de moins de 20 marcs de capital était tenu de s’armer d’une manière analogue, mais un peu moins complète. Enfin tout Anglais non compris dans les catégories susnommées était dans l’obligation de se procurer au moins un arc, des flèches et des pieux. Six mois après que cette ordonnance avait été rendue, le 1er août 1335, Edouard III enjoignait à tous ses sujets âgés de plus de seize ans et de moins de soixante de prendre les armes. Il entrait conséquemment dans une voie directement opposée à celle que suivait la France ; mais quand la rupture eut éclaté, quand le monarque anglais réclama hautement la couronne de saint Louis du chef de sa mère Isabelle, fille de Philippe le Bel, il n’osa pas, sitôt après son débarquement dans le Ponthieu, engager une bataille où il aurait bien pu avoir le dessous. Il ménagea ses troupes, il attendit que ses hommes fussent plus aguerris. En effet on le voit, au début de la guerre, user plus de ses alliés que de ses propres soldats. Il avait ourdi une de ces coalitions puissantes que l’Angleterre a toujours été si habile à former contre nous. Le comte de Hainaut, son beau-père, était son allié naturel ; il avait l’appui de Louis de Bavière, empereur d’Allemagne, et des princes des Pays-Bas ; il devait compter sur les Flamands, dont les intérêts étaient les siens ; mais ceux-ci se montrèrent moins empressés qu’il ne l’avait d’abord supposé. Il vint s’établir à Anvers, où il tint une cour brillante avec la reine Philippine de Hainaut ; il y prodigua l’or, comme l’a fait souvent la Grande-Bretagne, pour empêcher la coalition de se dissoudre.

Philippe de Valois se hâta d’attaquer. Il ne le fit pas seulement en Guienne, où ses troupes occupaient quelques châteaux, il voulut