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y avoir à Madrid de parti français, ni de parti anglais. Tel n’était pas l’avis de lord Palmerston, et bientôt la question des mariages espagnols vint envenimer une lutte qu’on avait pu croire apaisée.

Notre génération ne comprend plus guère les passions que cette question fameuse a soulevées. Elle a vu s’élever et tomber trop de choses pour ne pas regarder froidement, à travers le voile de l’histoire, les timides ambitions, les prétentions rivales qui s’agitaient en 1847 autour d’une jeune souveraine. Nous avons vu donner et retirer les couronnes ; nous avons assisté à la formation de vastes et puissans empires ; tous les rangs ont été bouleversés dans l’Olympe des souverains. La famille des Cobourg fournit aujourd’hui des souverains aux deux mondes ; une princesse danoise et une princesse russe sont sur les marches du trône dans un pays qui n’a jamais refusé aux femmes l’autorité royale. Les grandes forces qui régissent l’Europe moderne emportent tout, les alliances de famille, les intérêts privés, les traditions des races privilégiées : les souverains ne sont plus que les premiers serviteurs des ambitions, des haines, des espérances nationales. Nous ne-comprenons plus guère aujourd’hui l’intérêt qui s’attachait au mariage de la jeune reine d’Espagne : son époux ne pouvait jamais être que le mari de la reine ; son influence, si grande qu’elle pût devenir, ne pouvait aller jusqu’à changer les intérêts d’une race fière, jalouse de l’étranger, qui a toujours dévoré en peu de temps tout ce qui a été mêlé à sa vie intérieure.

C’est presque un lieu commun, en Angleterre, de dire que dans cette question des mariages espagnols la France a manqué à des engagemens formels et qu’elle n’a dû la victoire qu’à sa mauvaise foi dans cette triste bataille livrée autour d’un lit nuptial. Le biographe du prince Albert a été jusqu’à dire que la révolution de 1848 a été le châtiment providentiel de cette mauvaise foi. Quel était donc le crime du roi Louis-Philippe ? Peu de personnes connaissent exactement les sentimens qu’il apporta dans la question des mariages espagnols. Au fond de son cœur, il avait toujours déploré les discordes qui séparaient les carlistes et les partisans de la reine Christine ; il avait songé à y mettre fin en donnant la main de la jeune reine Isabelle au comte de Montemolin ; mais on oublie toujours qu’il fallait compter avec les sentimens et les passions de la reine Christine. Celle-ci avait un pouvoir à peu près absolu et ne voulut jamais entendre parler d’un prince qu’elle regardait comme un rebelle : le parti libéral le repoussait également avec la dernière énergie. Cette solution écartée, examinons celles qui s’offraient à l’Espagne, et dès l’abord nous affirmons de la manière la plus formelle que jamais le roi ne songea au trône d’Espagne pour l’un de ses enfans. Il se souvenait du duc d’Anjou, des malheureuses