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convenable. Talleyrand, qui avait affronté les colères titaniques de Napoléon Ier, pouvait supporter silencieusement les économies de politesse d’un lord anglais. Le roi Louis-Philippe n’avait, cela est manifeste, que le grand et noble dessein de conserver à l’Europe le bienfait de la paix, d’assurer l’indépendance de la Belgique et de couvrir la France par la neutralité belge, de maintenir la bonne harmonie entre l’Angleterre et la France.

Le langage diplomatique de Palmerston n’en a pas moins quelque -chose de scandaleux. Voici, par exemple, ce qu’il écrit à lord Granville : « Il est absolument nécessaire que nous nous entendions avec Perier sur la Belgique. S’il est disposé à suivre la ligne droite et à se bien conduire avec les quatre puissances, nous réglerons cette matière à l’amiable et honorablement pour toutes les parties ; mais s’il se prête aux mesquines intrigues du Palais-Royal, je prévois que cela finira par la guerre. » (18 mars 1831.) Le biographe ajoute ici en note : « Lord Palmerston rend à peine (hardly) justice ici au roi des Français, dont la conduite a été en somme droite, mais qui naturellement était tenu de se conformer aux circonstances et de manier les divers partis dont il était entouré. »

On se figurait alors en France, avec un peu de naïveté, que l’Angleterre. devait tout faire pour aplanir les voies au nouveau gouvernement constitutionnel, au « Guillaume III » français. On plaidait un peu trop souvent dans ce sens auprès de Palmerston : « Les Français viennent continuellement à nous avec cet argument : Voyez donc toutes nos difficultés, et comme on nous presse de tous côtés… Et pourquoi est-ce que nous désirerions vous maintenir ? Eh ! c’est pour que vous teniez vos engagemens » (Lettre du 13 avril 1831.) S’il ne convenait pas à lord Palmerston que la France obtînt « un champ de choux » dans les nouveaux arrangemens territoriaux que nécessitait l’état des ancien, Pays-Bas autrichiens, il ne supportait pas même le poids de notre influence morale. « Vous me dites, écrivait-il à lord Granville (22 avril 1831), que le gouvernement français fait valoir que la nation ne sera pas satisfaite de son gouvernement s’il semble n’avoir aucune influence dans les conseils des grandes nations de l’Europe, et que nous devrions en conséquence traiter libéralement et avec faveur toute interprétation des traités qu’il essaie de faire présenter, tant qu’elle n’affecte pas matériellement la sécurité et les intérêts d’autres nations. Je dois protester contre cette doctrine, et nous ne pouvons avoir aucune confiance dans le gouvernement qui l’invoque. Que veulent-ils dire par leur influence dans les conseils des nations ? Si c’est le pouvoir d’amener ces nations à se soumettre ou à souscrire aux usurpations françaises, c’est le pied fourchu sous un nouveau déguisement, le vieil