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quitter le Palais-Royal et à traverser la rue ; tout autre changement est hors de question. Il y a en France trop de millions de propriétaires de terres et de rentes pour qu’il puisse rien arriver qui mette en danger la sécurité des propriétés ou des personnes. » (Lettre à son frère du à décembre 1829.) On ne voit pas dans les lettres écrites de Paris que Palmerston ait cherché à voir le duc d’Orléans, qu’il avait pourtant connu en Angleterre. Ses prévisions s’accomplirent de point en point, mais peut-être Palmerston n’aperçut-il pas les dangers sociaux qui menaçaient la France, en dépit de ce grand nombre de propriétaires fonciers et de rentiers qui lui semblaient une garantie contre tous les désordres. Il n’eut jamais le sentiment exact des difficultés dont triompha la royauté de juillet ; en tout cas, il ne considérait pas que ce fût le devoir d’un ministre anglais de rendre plus facile la tâche de cette royauté.


II

Palmerston ne sortit de la pénombre politique qu’après la révolution de 1830. Il s’était dégoûté graduellement des tories. Lord Wellington, peu de temps avant de tomber du pouvoir et se sentant déjà ébranlé, lui fit des avances et lui offrit une place dans le ministère. Palmerston se montra si exigeant que la négociation fut rompue ; il songeait déjà à lier définitivement son sort au parti libéral : la politique absolutiste, qu’il avait toujours dénoncée, était ébranlée dans toute l’Europe. La Belgique était soulevée contre la Hollande : il jouissait à la fois de voir la révolution triomphante et redoutait que la France ne grandît trop dans ce triomphe. Quand il fut nommé ministre des affaires étrangères dans le cabinet whig de lord Grey, sa tâche semblait des plus difficiles. L’Angleterre, portée par le traité de 1815 au comble de la puissance, applaudissait pourtant aux efforts des peuples soulevés contre la sainte-alliance. Le vainqueur de Waterloo semblait comme le revenant d’un passé dont on avait perdu le sens.

A peine avait-il pris la place de lord Aberdeen, Palmerston dut s’occuper de la Belgique. Nous ne raconterons pas en détail l’histoire assez connue de la fondation du royaume belge : empêcher la France d’obtenir un pouce de territoire et de mettre un Français sur le trône belge, telle fut toute la politique de Palmerston pendant les longs travaux de la conférence. Sur tout le reste il varia au gré des événemens. Si novice qu’il fût alors dans le grand art de la négociation, il affectait de traiter M. de Talleyrand comme s’il eût ignoré que celui-ci avait tenu plus d’une fois des couronnes dans ses mains : il se plaisait à le faire attendre plus qu’il n’était