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électorale, qui se termina par une défaite honorable ; c’était déjà beaucoup, à son âge, d’être accepté comme candidat dans une grande université.

On le vit dès cette époque prendre goût à la politique, tout en se livrant avec ardeur aux plaisirs de son âge ; il commence en 1806 un journal où sir Henry Bulwer a puisé les principaux élémens de sa biographie. Il observe tout : son ambition juvénile suit tous les grands acteurs de l’époque ; ses notes sont brèves, mais pleines de substance. Il a des remarques profondes : « C’est une circonstance singulière, dans la conduite politique de Buonaparte, que, loin de cacher ses desseins, il publie jusqu’aux projets les plus violens, avant de les mettre à exécution, et la conséquence uniforme de ce plan a été que le monde, au lieu d’être alarmé et prêt à la résistance, à force d’attendre des conquêtes et des changemens, devient réconcilié avec l’idée de ces conquêtes et de ces changemens et se soumet sans murmurer aux ordres du tyran. » (26 août 1806.) A vingt-deux ans, il juge sainement Napoléon, Fox, « l’homme d’état que le peuple aime le mieux et dans la politique duquel il a le moins de confiance. » Le jeune lord entre dans la vie comme tory, il adopte les opinions des conservateurs comme il a hérité des domaines de son père. Il est curieux de lire dans son journal l’impression produite sur un jeune Anglais par la bataille d’Austerlitz, par la paix « abjecte » de Presburg, par Iéna. Çà et là on trouve une anecdote qui a son prix. Après Iéna, Palmerston raconte que le roi de Prusse se retire à Osterode, près Dantzig. « Telle était son apathie que lorsque le comte Woronzof, envoyé en mission auprès de lui, le joignit à Osterode, il fut immédiatement invité à suivre le roi à la chasse : on fit bonne chasse et l’on tua un ours. La reine malade, et dégoûtée de cet amusement intempestif, fut contrainte de suivre. » Palmerston eut toute sa vie l’humeur frondeuse vis-à-vis des têtes couronnées.

Toutes les dissertations de Blackstone ne valent pas les notes de Palmerston sur les élections anglaises. On y saisit sur le vif la vieille Angleterre et les détails de son système représentatif à la fois si bizarre et si efficace. Palmerston avait échoué à Cambridge ; un de ses tuteurs, lord Malmesbury, le fit cependant nommer lord de l’amirauté dans le ministère du duc de Portland. Le parlement dissous, il se présenta encore une fois à Cambridge et fut encore battu ; enfin il trouva un siège dans l’île de Wight, le bourg de Newtown. Sir Léonard Holmes, qui en était le patron, lui fit promettre de n’y jamais paraître, même pendant l’élection, tant il redoutait qu’une nouvelle influencé vînt se substituer à la sienne.

Lord Palmerston conserva jusqu’au bout une prédilection secrète pour un système électoral qui donnait le monopole du