Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

révolutionnaires que nous avons vues et que l’on peut voir encore, quelques personnes aient cru utile de s’assurer la coopération de l’église. Un corps éminemment moral, porté par sa pratique et ses fonctions à la culture des sentimens nobles de la nature humaine, renfermant un grand nombre d’âmes d’élite, pourrait être sans aucun doute un auxiliaire moral utile contre de basses passions, à la condition seulement que ce concours fût entièrement libre et séparé de l’action de l’état. Celui-ci a pour lui la puissance de la loi et la force. L’église a pour elle l’exemple, la parole et la prière. Ces deux sortes de moyens d’action doivent être séparés, car toute tentative de l’église à entrer dans l’état a pour effet d’exaspérer les passions contraires et de leur fournir un aliment. Rien de plus juste, par exemple, que la liberté d’enseignement. Que l’église coopère à sa manière à l’instruction et à la moralité des jeunes générations, nous ne pouvons que nous en féliciter : ce sera, nous l’espérons, une source de généreuse concurrence entre les deux corps. Quelques esprits ardens craignent, non sans raison, que cette concurrence, cette noble lutte que rêvent les libéraux sincères ne dégénère en guerre et ne sépare la France en deux camps, que l’état, en instituant des facultés libres, n’institue des citadelles destinées à battre en brèche ses principes fondamentaux, que les concessions faites par la liberté ne tournent contre elle-même ; ils craignent enfin l’accomplissement de cette parole célèbre : « Quand nous sommes les plus faibles, nous réclamons la liberté au nom de vos principes ; quand nous sommes les plus forts, nous vous la refusons au nom des nôtres. » De telles craintes ne sont certainement pas sans fondement : soit, la liberté accepte ces conséquences, elle se croit assez forte pour les supporter, mais elle ne peut aller plus loin. Autoriser la lutte même contre soi, c’est générosité ; laisser pénétrer chez soi et abandonner une parcelle de la puissance publique, ce serait faiblesse.

Nous nous sommes placés exclusivement dans ce travail au point de vue des principes : nous n’avons pas à entrer dans l’examen particulier des raisons ou objections secondaires mises en avant par les adversaires de la loi nouvelle. Quelques-unes seulement méritent d’être relevées ici. Comment, dit-on, peut-on revenir sur une loi avant même qu’elle ait été essayée ? Ne faut-il pas attendre l’expérience ? Est-il sage de faire des lois pour les défaire aussitôt ? Cette objection modeste, sous son apparence d’innocence, n’est autre chose que la question elle-même. Si en effet la collation des grades est un droit de l’état, il n’est jamais ni trop tôt ni trop tard pour le ressaisir. L’expérience n’a rien à y voir. L’état réclame ses attributions propres ; il n’a pas à attendre l’usage que vous en