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plus grave que ne serait la pure liberté, car elle tend à donner un caractère demi-officiel à des examens dont l’état après tout n’est nullement responsable : c’est attacher l’estampille officielle aux produits des facultés libres ; c’est leur conférer une demi-garantie émanant de l’état ; c’est instituer le partage, — ce qui est le vrai but vers lequel on tend. La liberté absolue des grades est contraire aux principes, nous l’avons dit, mais au moins l’état n’y serait pour rien. Les facultés libres conféreraient leurs grades à leurs risques et périls, et l’opinion pourrait servir de contrôle et de sanction. Au contraire, dans les jurys mixtes, l’état intervenant pour une part couvre par là même les résultats. L’état accepte la demi-responsabilité de ce qui ne vient pas de lui, et cela sans moyen suffisant pour exercer un contrôle réel et efficace. Les jurys mixtes sont un coin que les universités libres introduisent dans l’état pour y faire pénétrer leur propre action.

On nous dira peut-être que ces facultés ne sont pas du tout des corps inconnus, sans compétence, sans responsabilité, sans garantie : ce sont, dit-on, des universités. Elles doivent être composées de trois facultés au moins ; ces facultés doivent avoir le même nombre de chaires que celles de l’état, elles doivent être occupées par des docteurs aussi bien que celles de l’état. D’aussi grands établissemens, qui exigeront de si grands capitaux, ne peuvent pas être des établissemens pour rire : ce seront nécessairement des corps sérieux, et leurs examens auront une valeur réelle. Elles auront au reste intérêt à maintenir leurs études au niveau de celles de l’état et à donner à leurs grades une valeur égale. Autrement elles sentiraient elles-mêmes qu’elles seraient abandonnées ; les grades de l’état reprendraient bien vite l’avantage. On peut donc s’en rapporter uniquement à l’émulation et à la concurrence.

Nous répondrons : Sans doute il peut en être ainsi, mais nous n’en savons rien. Les facultés seront seules juges de ce qui concerne leur intérêt. Peut-être seront-elles sévères, peut-être seront-elles indulgentes et complaisantes, peut-être se partageront-elles les deux rôles : les unes pourront se donner le rôle de lutter par la solidité des études avec celles de l’état, tandis que d’autres, moins ambitieuses, se contenteront du rôle modeste et lucratif d’ouvrir à bon compte l’accès des carrières difficiles. De plus, rien ne garantit l’avenir, ni même le lendemain. Aujourd’hui les facultés feront bonne figure ; qu’arrivera-t-il demain ? Enfin c’est là une affaire d’appréciation morale, et non de garantie légale. Les affaires humaines ne se traitent pas par les sentimens : on demande des gages aussitôt qu’il s’agit d’intérêts graves et positifs. Nul ne prête par amitié, sur une simple parole. Il faut des titres réels, des actes,