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préventives à l’entrée de ces diverses carrières ? Pourquoi ne seraient-elles pas libres comme les autres ? Pourquoi chacun n’y entrerait-il pas à ses risques et périls ? On voit que cette question, en supposant qu’elle en soit une, n’a aucun rapport avec la liberté d’enseignement. Autre chose est le droit d’enseigner, autre chose est le droit de plaider ou de soigner les malades sans diplôme. Si l’on veut cette sorte de liberté, qu’on le dise franchement ; mais c’est une question nouvelle. On la discutera en elle-même comme elle le mérite, mais on ne doit pas l’introduire subrepticement sous prétexte de liberté de conscience ou de liberté de méthodes, car c’est tout confondre et tout fausser.

En réalité, le parti qui demande la liberté des grades ne veut nullement la liberté des carrières ; excepté une seule personne peut-être, nos sénateurs ne sont pas si ardens pour les libertés à l’américaine. Au contraire, ce que l’on veut, c’est que les conditions préventives subsistent précisément pour pouvoir les partager, et partager ainsi les droits de la puissance publique. Par là même on décrète la liberté des carrières pour une certaine classe de personnes ; les facultés libres ouvriront les carrières à qui elles voudront ; des corps sans contrôle disposeront de l’administration de l’état, de la santé publique ; tandis que l’état, par des examens sévères, continuera à fermer avec un soin jaloux l’entrée des carrières difficiles, car c’est son intérêt, des corps inconnus pourront, s’ils le veulent, supprimer toute barrière, et réaliser la liberté des carrières pour eux et leurs amis. On voit donc clairement par là que la liberté d’enseignement n’est qu’un prétexte, et que de fait, si on la confond avec la liberté des grades, elle est un moyen de s’assurer à bon marché l’accès aux fonctions et aux professions.

Revenons sur les principes, et expliquons pourquoi certaines carrières sont et doivent être protégées. Cela est de toute évidence pour les fonctions publiques. L’état a évidemment le droit de déterminer les conditions d’après lesquelles il donnera sa confiance. Dans toute administration, même privée, certaines conditions sont requises des prétendans aux emplois ; mais quand il s’agit de positions très humbles, on peut s’assurer souvent à première vue de la capacité : par exemple, rien de plus facile que de savoir si un postulant sait lire et écrire. Dans les autres cas, on s’assure de la capacité à l’essai et par l’expérience. Si le candidat ne convient pas, on le renvoie, et on en prend un autre. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’état ? Nous répondrons d’abord que pour la première et la principale de ces carrières publiques qui exigent des diplômes, la magistrature, l’emploi à l’essai est impossible, puisque, en partie du moins, elle est inamovible. Qui dit inamovibilité dit