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évidemment qu’il puisse s’appuyer sur une force réelle, qu’il soit soutenu dans l’ensemble de sa politique, qu’il ne soit point exposé à être abandonné alternativement par les uns ou par les autres, par le sénat ou par la chambre des députés. Tout dépend aujourd’hui de deux ou trois questions que les assemblées, si elles ont le sentiment de l’intérêt public, ont nécessairement à régler avant de prendre des vacances dont on a en vérité parlé un peu trop prématurément depuis quelques jours.

Et d’abord il y a cette loi sur la collation des grades qui a été, il est vrai, votée par la chambre des députés, mais qui est en ce moment au sénat, où elle rencontre quelques difficultés, où elle sera dans tous les cas sérieusement combattue. Que le sénat voie une anomalie dans le fait d’une modification introduite dans une loi qui a été votée il y a moins d’un an, qui n’a point subi encore l’épreuve d’une application complète, soit ; mais ce n’est là qu’un point préjudiciel, un détail de forme et de circonstance. La vraie question est indépendante de cette petite difficulté ; elle se résume dans cette alternative précise : rendra-t-on ou refusera-t-on à l’état le droit d’être le seul distributeur des grades qui ouvrent certaines carrières libérales ou professionnelles ? Évidemment la loi sera soutenue avec énergie par le ministre de l’instruction publique, M. Waddington, qui par ses communications récentes à la commission du budget vient de témoigner l’esprit de résolution et de suite avec lequel il est décidé à entreprendre les plus larges réformes universitaires.

Qu’on le remarque bien, cette mesure que M. Waddington va défendre devant le sénat, qu’il a déjà soutenue devant la chambre des députés avec la plus sérieuse et la plus impartiale élévation de talent, cette mesure laisse intacte la loi qui a consacré la liberté de l’enseignement supérieur ; elle ne touche qu’à un seul point, la collation des grades. Or, sur ce point, est-ce que la proposition ministérielle n’a pas pour elle toutes les raisons de prévoyance politique et d’indépendance civile ? Que ceux qui ne jugent ces questions qu’au point de vue de l’église contestent à l’état un droit traditionnel qui tient à l’essence même de la souveraineté sociale, c’est sans doute l’effet d’une situation particulière ; mais comment d’anciens libéraux, des constitutionnels, même des conservateurs qui attachent encore quelque prix à l’indépendance du pouvoir civil, pourraient-ils voir l’ombre d’une mesure révolutionnaire dans la restitution d’un droit qui a si longtemps appartenu à l’état, qui, à vrai dire, n’aurait dû être jamais abandonné ? Il n’est point douteux que le sénat, voulût-il donner des gages de son esprit conservateur, peut voter cette collation des grades que personne sous les régimes précédens, même sous les régimes les plus libéraux, n’avait songé à enlever à l’état. D’un autre côté, une question bien différente est aujourd’hui assez vivement agitée pour être presque une occasion de