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plus favorables, où les derniers incidens auxquels il a été mêlé auraient été un peu oubliés, où l’on ne se serait plus souvenu que de son mérite, de l’habileté qu’il a plus d’une fois déployée comme président de l’assemblée nationale. De quelque façon qu’on voie les choses, M. Buffet a été assurément un des hommes qui ont le plus éprouvé les rigueurs du scrutin sous toutes les formes. Il n’a pas seulement échoué dans les élections sénatoriales dont la dernière assemblée s’était réservé le droit, il s’est vu refuser un poste au sénat dans son propre département. Vaincu comme sénateur, il l’a été encore plus dans les quatre ou cinq arrondissemens où il était candidat pour la chambre des députés. Partout la mauvaise fortune électorale l’a suivi, et c’est lui-même qui, avec un peu d’amertume peut-être, avouait un jour du dernier hiver qu’il portait malheur aux circonscriptions qui avaient la dangereuse fantaisie de lui offrir une candidature. Quoique ministre alors, il n’a pu réussir ni au nord ni au midi, ni pour la première chambre ni pour la seconde chambre. Franchement, pour un homme de sa valeur, est-ce une victoire enviable de se voir introduit dans le sénat par trois voix de majorité ! Et encore, comme si on voulait atténuer ce triomphe pourtant si modeste, voilà les légitimistes prenant leurs précautions pour qu’on ne tire pas parti de leur vote, expliquant qu’ils ont sans doute commis une faute impardonnable en se ralliant à la candidature de M. Buffet, mais qu’enfin, à défaut de M. Chesnelong, qu’on eût bien préféré, c’est toujours une voix de plus pour arrêter au passage la loi sur la collation des grades. L’ancien vice-président du conseil doit être en vérité bien satisfait d’avoir obtenu dans ces conditions et à ce prix le suffrage de l’honorable et intraitable marquis de Franclieu. Quant à la signification qu’on a voulu donner à cette élection pour la recommander, il serait certainement préférable de n’en point parler, par cette raison bien simple que M. Buffet ne représente que le souvenir d’un ministère qui a conduit la politique réputée conservatrice à la plus éclatante déroute. L’ancien vice-président du conseil est malheureusement en effet un de ces hommes qui ont leur manière d’entendre l’intérêt conservateur, et qui, avec toute leur habileté, n’ont su rien faire ni rien empêcher pendant leur passage au pouvoir. Ministre pendant toute une année, disposant de toutes les forces de gouvernement, il a réussi à préparer les dernières élections, — et ce n’est pas probablement pour sanctionner cette triomphante manière de gouverner ou pour aider l’ancien ministre à recommencer dans l’occasion qu’on l’a nommé sénateur.

Ce qu’il y a dans tout cela, ce n’est ni une victoire politique ni une victoire personnelle, c’est tout bonnement une élection ramenant dans une assemblée un homme de mérite qui aurait pu attendre une circonstance plus favorable. Que M. Buffet soit sénateur, rien en vérité n’est changé, et ce qu’il y a de plus étrange, c’est le déchaînement