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gouvernement, sachant qu’il va faire un mauvais choix, est cependant obligé de le faire ; il ne peut aller chercher ailleurs l’homme capable, l’homme intègre, l’homme considéré dont il a besoin et que dans une ville on rencontre presque toujours. Il faut absolument qu’il passe sous les fourches caudines du suffrage universel et de la loi, et qu’il se compromette en nommant lui-même un homme pour lequel il ne se sent ni estime ni confiance. En vérité, c’est là une cruelle situation, et nous comprenons l’argument de ceux qui disent : Plutôt que d’obliger le gouvernement à se déconsidérer en quelque sorte par des choix pareils, mieux vaudrait les abandonner au conseil municipal. — Nous avons déjà repoussé d’une façon générale ce mode de nomination ; mais, au rebours du projet de loi déposé par le ministre, nous accepterions plutôt la nomination du maire par le gouvernement dans les petites communes, et son élection par le conseil municipal dans les chefs-lieux de département et d’arrondissement ; et cela pour deux raisons : la première est que dans les grandes villes on attache un grand prix à cette franchise, tandis que dans les villages on n’y tient guère ; la seconde, c’est que l’état est en mesure de se passer de la vigilance du maire là où il peut compter sur celle d’un préfet ou d’un sous-préfet. — Toutefois nous reconnaissons qu’un régime uniforme est préférable, et c’est pourquoi nous nous rallierons au dernier système qui nous paraît, tout bien pesé, le plus propre à donner au pays ces garanties d’ordre, de justice et de contrôle qu’il faut lui assurer à tout prix.

Ce qui rend la tâche difficile aux partisans du libre choix des maires par le gouvernement, c’est que l’esprit, par une sorte d’habitude historique, rattache ce mode de nomination à l’idée d’un gouvernement absolu, autoritaire, comme celui qui était issu de la constitution du 16 janvier 1852. Pourtant ce sont deux principes qui ne sont pas nécessairement solidaires. Certes c’était un régime de compression et de centralisation excessive que celui qui, plaçant au sommet des institutions des chambres sans fenêtres, comme on les appelait alors, c’est-à-dire des chambres où l’on discutait à huis clos, contraignait la presse au silence, réduisait tous les conseils électifs à un rôle muet, et donnait à la hiérarchie gouvernementale un pouvoir sans contre-poids et une autorité sans contrôle. Avec une pareille force, les abus administratifs et politiques étaient inévitables, et ils ne manquèrent pas de se produire. Ils étaient particulièrement sensibles dans le domaine électoral, alors que le gouvernement, par sa formidable organisation administrative, dispensait les sièges de députés comme un autre régime dispense les places et les fonctions publiques. Ces abus frappaient tout le monde, et alors par une réaction naturelle de l’esprit humain, et