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écoles. L’une, qu’on a appelée l’école politique (MM. Baroche, Stourm), revendique hautement le droit, pour le pouvoir central, de nommer les maires ; l’autre, connue sous le nom d’école libérale (MM. de Vatimesnil, de Kerdrel), demande que les municipalités soient appelées à élire elles-mêmes leur chef. La commission exécutive et le ministère, qui voulaient le maintien de la loi de 1831, consentirent cependant à une transaction : on décida que les maires seraient élus en principe par les conseils municipaux, mais que dans les villes de 6,000 âmes et au-dessus, dans les chefs-lieux de département et d’arrondissement, le gouvernement en conserverait la nomination. Cependant le décret du 3 juillet 1848 n’avait résolu la question que provisoirement : une loi organique devait la trancher d’une manière définitive. Le projet en fut élaboré par le conseil d’état[1], qui proposa le maintien de l’article 3 de la loi du 21 mars 1831 ; mais le rapporteur à l’assemblée législative, l’illustre M. de Vatimesnil, ne se rangea pas à cet avis. Dans son rapport, déposé le 20 juin 1851, il demandait sans hésiter la nomination des maires par le conseil municipal. Avec une foi robuste qu’une pratique un peu longue lui aurait peut-être fait-perdre, il envisageait dans la décentralisation largement pratiquée un remède plutôt qu’un encouragement à l’anarchie[2].

Le coup d’état du 2 décembre 1851 emporta l’assemblée législative, et avec elle le projet de loi. On n’attendait pas du nouveau régime qu’il reprît, en matière d’organisation municipale, les traditions de ses devanciers. La constitution du 14 janvier 1852 rendit au pouvoir exécutif le droit de nommer les maires, avec faculté de les prendre même en dehors du conseil municipal. La loi du 5 mai 1855 maintint cette prérogative ; elle l’élargit même singulièrement. Sans parler d’une disposition qui conférait aux préfets dans les villes de 40,000 âmes et au-dessus les fonctions de préfet de police, la nouvelle loi donnait au gouvernement, en cas de dissolution, même en cas de simple suspension du conseil municipal, le droit de le remplacer par une commission librement choisie par lui au sein de la commune. Cette commission pouvait rester en fonctions jusqu’à l’époque du renouvellement du conseil, qui était quinquennal, et elle était investie de toutes les attributions d’un conseil municipal régulier. Il faut reconnaître qu’avec ces armes

  1. On sait que le conseil d’état de l’époque avait été nommé par l’assemblée.
  2. « En France, disait le rapport, toutes les bases de l’ordre social sont attaquées avec tant de violence, que, si nous croyions que la nomination des maires par le pouvoir exécutif pût procurer à la société une force réelle et des moyens de défense sérieux, nous n’hésiterions pas à suspendre momentanément l’application des principes que nous venons d’énoncer, et à conférer ce droit au gouvernement jusqu’à des temps plus paisibles ; mais nous sommes convaincu que, loin de favoriser la résistance à l’anarchie, nous ne ferions que l’amoindrir. »