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d’une politique de transaction, mais non sans préoccupation de l’avenir de la France et de ces nécessités gouvernementales qui sont de tous les temps et de tous les régimes.


I

La révolution de 1789 n’a pas créé l’indépendance communale. On sait que la liberté des communes fut le fruit de leur longue lutte avec la féodalité : elle leur fut octroyée par les rois en récompense des secours efficaces qu’ils en avaient tirés contre les empiétemens de la noblesse ; mais quand le pouvoir féodal fut abattu, les chartes des communes ne furent pas toujours respectées[1]. La liberté municipale, soumise à des vicissitudes fréquentes[2], inégalement répartie sur toute la surface du royaume, était d’ailleurs peu connue des petites communes, alors désignées sous le nom de paroisses. Les villes proprement dites furent à peu près les seules agglomérations qui purent jouir de l’avantage de s’administrer elles-mêmes. On sait que cet avantage n’était pas gratuit, qu’il fallait l’acheter à beaux deniers comptans, et qu’alors même il n’était pas définitif. Nombre de communes durent le racheter plusieurs fois, et il figura trop souvent parmi les voies et moyens par lesquels les rois de France cherchèrent à équilibrer leur budget mal assis. Toutefois dans les dernières années de la vieille monarchie, l’élection des officiers municipaux s’était régularisée. Les chefs des municipalités, maires, échevins, consuls, étaient désignés dans des assemblées de notables et de corporations. Aucun suffrage populaire ne venait ratifier ce choix, mais il avait besoin d’être confirmé par l’autorité royale. Les assemblées municipales comptaient, outre les membres élus, des membres de droit et même des présidens de droit. Ces privilèges étaient attachés aux titres d’archevêque ou d’évêque, aux fonctions de commandant de province ou de ville, et aussi à la possession de certaines terres. En réalité, l’administration des communes était dans les villes aux mains des marchands, et dans les autres communes aux mains des propriétaires du sol ou de leurs représentans.

L’assemblée constituante fit tomber ces institutions, que le temps et l’usage, plus encore que la législation, avaient établies. Opérant table rase du passé, elle soumit tous les pouvoirs au principe électif. La loi du 14 décembre 1789 constitua dans tout le royaume des municipalités composées chacune d’un maire, d’un procureur de la

  1. Henrion de Pansey, Du Pouvoir municipal, p. 22 et suiv.
  2. Par un édit du mois d’août 1764, le droit d’élire les officiers municipaux fut rendu aux habitans des communes ; mais par un autre édit, du mois de novembre 1771, cette prérogative leur fut enlevée. Cet édit fut lui-même rapporté plus tard.