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privilège de la compagnie teutonique. Ce privilège, qu’on eût pu croire dès lors aboli à jamais, Edouard VI en accorda aux instances des villes de Hambourg, de Lunebourg, de Wismar, le rétablissement. La concession cependant ne fut pas gratuite. Un droit considérable frappa les marchandises que la compagnie pouvait continuer d’exporter. La reine Marie maintint d’abord la clause par laquelle Edouard VI avait tenté de couvrir sa faiblesse. Au mois d’août 1554, quand elle fut devenue l’épouse de Philippe II, les villes anséatiques la trouvèrent moins sourde à leurs obsessions. La reine les affranchit pour trois ans de la taxe imposée en 1552. N’était-il pas à craindre que la marine allemande ne recouvrât ainsi, de délai en délai, par un accord tacite, son ancien monopole et n’étouffât la navigation britannique, au moment même où cette navigation, par un heureux hasard, voyait s’ouvrir devant elle un champ inexploré ? Sébastien Cabot cependant ne se découragea pas. Les curieux récits de Chancelor eussent peut-être été superflus pour entretenir son ardeur, ils ne l’étaient pas pour réchauffer le zèle un peu attiédi de la Compagnie des lieux inconnus.

« J’ai eu l’heureuse fortune, racontait le pilote-major de l’expédition destinée au Cathay, de rencontrer sur ma route les parties septentrionales de la Russie et de pouvoir me rendre des bords de l’Océan-Glacial à Moscou. La Russie est un pays très riche et très peuplé. Les Russes sont de grands pêcheurs de saumons et de petites morues. Ils récoltent également beaucoup d’huile de baleine. C’est principalement sur les bords de la Dwina qu’ils la fabriquent. Ils en font aussi ailleurs, mais en moindre abondance. La production du sel donne lieu à un commerce fort actif. Au nord de ce pays s’étend la contrée d’où viennent les fourrures : zibelines, martres, castors, renards blancs, noirs et rouges, menus-vairs, hermines, petit-gris. C’est de cette région encore que l’on tire les dents d’un poisson appelé morse. Les pêcheurs de morses habitent pour la plupart les rives de la Petchora. Ils apportent leur pêche sur des cerfs d’abord à Lampas, puis de Lampas la voiturent à Colmogro. A l’ouest de Colmogro se trouve Gratanove, — dans notre langue Novogorod. — Là pousse beaucoup de lin et de chanvre. On y recueille en même temps de la cire et du miel. Les marchands allemands ont un comptoir à Novogorod. Un troisième marché, celui de Vologda, fournit du suif, de la cire et du lin. La contrée où notre vaisseau a pu aborder est un pays généralement plat, à peine semé, de distance en distance, de quelques collines. Vers le nord, on rencontre de grands bois de sapins. Ces bois sont remplis de buffles, d’ours et de loups noirs. Les Russes chassent les buffles à cheval, les ours à pied avec des épieux. Le duc de Moscovie est maître et empereur de cette