Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

second exemple, la glotte livre passage à une colonne d’air plus forte, le son retentit avec une sorte de sécheresse.

Il est des consonnes que les Anglais appellent des trilles[1] ; elles naissent du souffle régulièrement interrompu par le tremblement des parties molles du palais ou de l’extrémité de la langue. S’agit-il de la trille la plus douce, les bords de la langue causent de simples oscillations de l’air ; de la plus rude, les vibrations produites à la fois par le palais et la pointe de la langue deviennent intenses, c’est le bruit d’un roulement. En le faisant trop sentir, on grasseyé. Enfin des sons très ordinaires en anglais, en allemand, dans les idiomes slaves, résultent d’une expiration, et varient suivant les barrières qu’opposent la langue, les dents et les lèvres[2]. Cela ressemble beaucoup à la musique du chat qui jure.

Il est bien prouvé que les sons de la parole se forment dans la cavité buccale selon des procédés qui varient dans de très étroites limites. Des auteurs se livrant sur eux-mêmes à l’étude du mode de prononciation des voyelles et des consonnes se sont attachés à décrire d’une manière très précise les positions que prennent les lèvres, la langue, le voile du palais dans toutes les circonstances ; ils ont donné des images afin de rendre saisissantes les opérations qu’on exécute en articulant des lettres et des syllabes[3]. Un intérêt très réel se dégage des observations, cependant les règles qu’on en tire manquent de la rigueur nécessaire pour devenir indiscutables. Depuis l’enfance, chacun parle sans songer à s’astreindre à mouvoir les lèvres ou la langue d’une façon strictement déterminée ; chacun prend des habitudes particulières. Comme le remarque M. Mandl, des bruits presque identiques se produisent avec différentes positions. Une personne a perdu toutes les dents, elle modifie le jeu des lèvres et de la langue et réussit encore à s’exprimer d’une manière intelligible. Tel acteur imite la voix d’hommes connus au point de faire l’illusion la plus complète. En altérant le timbre, la voix paraît sortir d’une caverne ; c’est l’art du ventriloque. On a vu des gens qu’un malheur avait privés d’une bonne partie de la langue tenir la conversation ; on n’affirme pas qu’il fût agréable de les entendre. Des oiseaux n’éprouvent aucune impossibilité à émettre les sons qui de notre part exigent l’usage des lèvres. En un mot, rien n’est absolu dans les actes qui engendrent la parole ; néanmoins en

  1. L et r.
  2. Les sh et th anglais, le ch allemand, les tch russes.
  3. On peut à cet égard consulter : Ernst Brücke, Grundzüge der Physiologie und Systematik der Sprachlaute für Linguisten und Taubstummenlehrer, Wien 1855 ; Max Müller, Lectures on the science of language, London 1864 ; Joh. Czermak, Populäre physiologische Vorträge, Wien 1869, etc.