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de vue de l’innocence des mœurs, du bien-être, des honnêtes principes, de l’instruction spéciale qu’elles en remportent et dont elles continueront à profiter. Très partisan de la liberté de conscience, M. Louis Reybaud se plaît d’ailleurs partout à rendre hommage à la puissance du sentiment religieux pour améliorer les mœurs, comme il signale la perturbation et le ravage que l’irréligion cause dans de grands centres. Il a eu occasion, dans un de ses précédens ouvrages, d’examiner les systèmes de morale qui veulent remplacer non-seulement le sentiment religieux, mais le principe du devoir et de l’obligation morale, par des idées de fraternité vague ou par la règle sèche de l’intérêt bien entendu, tel que l’enseigne Jérémie Bentham. Insuffisantes même pour l’homme éclairé qui se dirige par la réflexion et le calcul, ces théories lui paraissent à plus forte raison impuissantes à refréner les passions dans les masses instinctives. Elles ne leur enseignent ni la force morale qui lutte, ni la résignation qui accepte, ni l’espérance plus élevée qui console des misères et des injustices. Par là, cette cause morale de faiblesse devient en outre une cause de trouble en lançant les imaginations à la poursuite acharnée d’un idéal tout terrestre.

C’est à propos de la soie que l’auteur présente une observation qui n’est pas d’ailleurs spéciale à cette industrie : nous voulons parler du peu de proportion exacte de l’épargne avec le salaire pour les individus, et quelquefois pour des catégories presque entières. Tel gagne moins et pourtant économise. Tel gagne plus ; non-seulement il n’économise pas, il s’endette. On n’en saurait conclure que le salaire élevé soit par lui-même un mal, ce qui serait immoral à la fois et contraire à l’histoire, laquelle nous montre que c’est seulement par les salaires accrus et la lente formation des capitaux que l’élévation du niveau a pu se faire dans les degrés inférieurs ; mais la conclusion qui sort de cette observation, c’est celle que nous allons retrouver sous plus d’une forme, celle qu’on a déjà entrevue : au fond, le problème reste éminemment moral sous l’enveloppe industrielle qui si souvent le cache aux regards.


IV

Les deux autres grandes industries textiles, étudiées successivement par M. Louis Reybaud, en nous montrant la manufacture dans son plein développement, permettent mieux encore d’en apprécier les effets particulièrement de l’ordre moral sous d’autres aspects.

Pour prendre d’abord à part un des élémens du problème, l’élément de l’art et du goût, qu’on disait perdu avec le rôle amoindri du travailleur à la main, on ne voit pas que, dans cette grande