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étendue, Viersen par exemple, dans la Prusse rhénane (M. Louis Reybaud ne fait pas toujours ainsi l’éloge des villes de fabrique allemandes). Il se rencontre là une combinaison de la vie agricole et de la vie industrielle qui se recommande à plus d’un titre. Les mœurs y gagnent comme la santé. Le tissage n’y semble qu’un complément de travail et de salaires ajouté à l’exploitation rurale. Le même fait se retrouve dans certains environs de Lyon, de Saint-Étienne, ailleurs encore. Il arrive dans ce cas que, par un heureux partage d’occupations, les hommes vigoureux peuvent aller aux champs pour les labours et les semailles, tandis que les adolescens et les femmes restent au logis pour y tisser le velours ou le taffetas. Dans de telles conditions, le travail des femmes n’a guère que des avantages. Il ne détruit pas le ménage : il ajoute au revenu de la famille ; il se fait pour la fabrique d’une manière plus économique. Un curieux exemple de manufacture rurale, près de Bâle, montre comment le régime manufacturier peut lui-même servir à moraliser les populations, quand les ouvriers s’y prêtent. Dans le cas que décrit l’auteur, c’est-toute une population de jeunes ouvrières qui entre vers l’âge de douze ans dans l’établissement ; elles y passent quatre années à leur grand avantage. La manufacture, située au sein d’un pays riant et agreste, paraît ici comme une sorte d’école professionnelle. L’éducation industrielle s’y achève, l’instruction s’y complète, et l’enseignement religieux et moral y tient une place qu’il n’aurait pas toujours au même degré dans toutes les familles. Il faut y joindre une hygiène parfaite pour la nourriture, les dortoirs, les promenades et les jeux, et avec cela, très peu de peines disciplinaires. Comment s’étonner que ces jeunes filles veulent souvent rester après le terme du contrat expiré ? Sans être ténus sur le même pied, la plupart des établissemens consacrés à la soie dans ces régions favorisées offrent des règlemens qui ont souci de l’instruction et de la moralité des plus humbles auxiliaires de l’industrie. A Zurich, le patronage est pris au sérieux par les entrepreneurs ; il s’exerce avec soin dans ces fabriques disséminées au bord du lac. Combien il est rare qu’on voie là s’élever de ces conflits qui enveniment ailleurs les rapports des capitalistes et des travailleurs ! On a été justement frappé enfin d’autres exemples pour la France même, dans lesquels la religion a été employée comme moyen direct de moralisation. Je veux parler de ces manufactures établies à Jujurrieux, à la Séauve, à Tarare, qui occupent, loin des séductions des villes, dans des conditions particulières d’internat, des milliers de jeunes ouvrières dirigées par des religieuses. On ne peut contester les bienfaits que retirent de cette éducation et de cette vie disciplinée toutes ces jeunes filles, au point