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guerre civile ses plus menaçantes formules ? Eh bien ! cela seul pourrait être un symptôme des inconvéniens d’un système de travail qui, moralement, comme sous le rapport matériel, a des conséquences fâcheuses, d’un système qui peut se défendre par la coutume, offrir certains avantages relatifs, comporter enfin quelques améliorations, mais qui, par son mode de répartir les tâches, met en présence des intérêts difficiles à débattre, Il contribue pour beaucoup à cette aigreur des relations, à cette sourde irritation qui gronde sans cesse au fond des cœurs. Partout, dit M. L. Reybaud, règne une indépendance ombrageuse. Si cette attitude est celle du chef d’atelier vis-à-vis du fabricant, celui-là la trouve à son tour dans ses compagnons. Dans le même système compliqué de rouages difficiles à supprimer, les relations entre l’ouvrier mal disposé et le fabricant souvent froid, parfois hautain, sont encore envenimées par des intermédiaires trop sujets à des abus de pouvoir. Comment dès lors avoir assez d’égards pour les personnes, mettre plus de grandeur, comme cela serait nécessaire, dans le règlement des affaires ? L’apprentissage vaut-il mieux dans ce système, qui conserve à l’intérieur certaines apparences patriarcales ? On doit reconnaître trop fréquemment qu’il est défectueux par abus des forces de l’apprenti, par un manque de souci trop complet de l’éducation morale de l’enfant, abandonné à ses mauvais instincts et livré aux mauvais exemples. Ce n’est pas là malheureusement un fait exceptionnel. A Lyon, les contestations nées de l’incurie et des abus des petits fabricans à l’égard des apprentis, ou qui ont leur source dans les manquemens de ceux-ci, sont très fréquentes. Ainsi l’auteur nous fait voir la lutte à tous les degrés dans cette fabrication où les différends entre ouvriers sont encore plus nombreux que ceux qui s’élèvent entre travailleurs et fabricans. Il faut modifier le système, mais on doit aussi agir sur les volontés malades, qui en aggravent les inconvéniens intrinsèques. Il est nécessaire de chercher les remèdes dans l’enseignement moral ; on doit les chercher aussi dans le progrès intellectuel des agens de la production à tous les degrés : mieux éclairés, ils comprendront mieux leurs intérêts ; sous ce dernier rapport, Lyon du moins est dans une excellente voie. Jamais en aucune ville les moyens de s’instruire utilement dans sa profession n’ont été à ce point prodigués à l’ouvrier.

La fabrication ne peut-elle admettre, ou même provoquer, constituer elle-même des moyens de moralisation plus directs ? La réponse à cette question forme une des parties les plus curieuses de cette étude. Par exemple la fabrique rurale, ou du moins établie dans de petites localités que la campagne environne, offre certains avantages. On le remarquera pour telle fabrique de moyenne