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ou de petite fabrique ? Ainsi s’établit une balance qui ne tourne pas en faveur des regrets ou des censures trop peu mesurées. Le bien l’emporte sur le mal. Le mal semble lui-même susceptible de degrés, de tempéramens, de remèdes, que la vue des différentes industries manufacturières montrera mieux. La petite fabrique a aussi ses vices plus grands en certains cas. Il ne suffit pas de trancher, il faut apprécier, comparer.


III

L’industrie de la soie est la première qu’ait étudiée M. Louis Reybaud. La transformation de la fabrique avec ses ateliers, morcelés en grande manufacture, presque au début dans cette industrie il y a vingt ans, est loin d’y avoir atteint son dernier terme : il est même probable que le système manufacturier rencontrera là des limites dans la nature de certains travaux somptuaires et dans des convenances et des habitudes lentes à disparaître. D’un autre côté, la soie, jadis exclusivement aristocratique, aujourd’hui devenue populaire, figure parmi les produits de grande consommation : elle appelle les moyens de fabrication qui réduisent le prix de la main-d’œuvre et les frais généraux pour se mettre en état d’accroître sa clientèle. A en juger sous le rapport économique, on ne voit pas ce que cette transformation pourrait avoir de regrettable pour cette magnifique industrie. Il est facile au contraire d’apercevoir ce qu’elle aura d’avantageux, à mesure que les progrès de cette métamorphose s’accuseront davantage. Tandis que la part nécessaire faite à la main-d’œuvre pour la fabrication de luxe et la perfection de la mécanique appliquée même à ces produits d’élite maintiendront, tout donne lieu de le croire, la prédominance de l’art et du goût, inséparable de la cherté, n’y a-t-il pas lieu aussi de penser que des débouchés, rendus plus vastes et plus sûrs par le bon marché, s’offrant à des produits moins sujets au caprice de la mode, rendront les crises qui en dépendent beaucoup plus rares et les cadres de travail en quelque sorte plus souples et plus ouverts ? Telle est la perspective que M. Louis Reybaud entrevoit comme inévitable et dont il ne paraît pas s’effrayer au point de vue moral. En vain peut-on alléguer, semble-t-il, en faveur du système actuel, cette plus grande indépendance du travail qui garde son foyer dans des ateliers isolés : la fabrique morcelée ne présente pas moins d’inconvéniens moraux que d’imperfections matérielles.

Ce tableau, je n’ai pas intention de le refaire ; l’auteur de l’enquête a su lui donner une force et une finesse qui, trouvant à s’appliquer à l’étude de différens centres de production à l’étranger et