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UNE
ENQUÊTE MORALE SUR L'INDUSTRIE

M. LOUIS REYBAUD

Études sur le régime des manufactures, 4 volumes.

Il y a deux manières d’être ce qu’on appelle depuis le dernier siècle un économiste. La première, plus abstraite, s’attachant aux conditions générales du travail et de la richesse, se propose de mettre en lumière cette part de lois et de principes qui gardent une vérité indépendante des temps et des circonstances locales. La seconde manière, plus pratique, généralise moins et observe de plus près ; se renfermant dans l’étude de sujets spéciaux, dont elle pousse l’analyse aussi loin que possible, elle a presque toujours en vue, par la critique des faits, d’en amener la réforme. Il ne s’agit pas ici de comparer ces deux méthodes, nécessaires l’une et l’autre, et qui se complètent mutuellement. L’histoire prouve assez qu’elles peuvent être jusqu’à un certain point mises en œuvre de concert. Il y a peu d’économistes abstraits qui n’aient cherché une matière d’expérience et de comparaison dans l’étude de faits nombreux empruntés à des temps et à des pays différens, et qui n’aient visé sous certains rapports aux réformes. On n’a guère vu davantage depuis un siècle l’économie politique appliquée se passer d’un recours habituel à l’économie scientifique. C’est à la condition de lui demander ses inspirations et ses règles qu’elle évite de tomber dans cet empirisme grossier qui a longtemps constitué l’infériorité des travaux consacrés à la richesse publique.