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couleur un peu savonneuse ; mais elle a ramené son bras sur son visage, et nous voudrions soulever ce bras pour voir ce qu’il y a dessous. Il est vrai que pour nous dédommager, M. Lefebvre nous montre une autre tête, celle du directeur général des phares, M. Léonce Reynaud. Cette tête est fort intéressante, et celui qui l’a peinte est un habile et remarquable portraitiste. Il ne fera jamais de portraits intimes, son talent est tout en dehors ; la figure humaine, telle qu’il la conçoit, est un éventail ouvert.

M. Parrot, de son côté, nous doit une Galatée. La sienne a bien un visage, mais c’est un visage d’emprunt. Ce beau corps nu, si bien étudié, si bien bâti, si brillant, si nacré, méritait mieux que cette tête pouparde et mignarde, dont le sourire gâté par l’afféterie n’a rien de miraculeux. A peine le prodige s’est-il accompli, à peine votre Galatée a-t-elle senti la flamme divine courir dans ses veines, sa première occupation est de minauder avec la vie. Non, ce n’est point là une statue grecque transformée en femme. Écoutez plutôt le poète : « Rougissante, elle leva des yeux timides vers Pygmalion, nous dit-il, et son premier regard découvrit à la fois le ciel et son amant. »

….. Pariter cum cœlo vidit amantem.

On rencontre çà et là de bonnes études de nu au Salon, et dans le nombre celle de M. Parrot mérite une place d’honneur ; mais que Dieu nous délivre des académies qu’on baptise après coup de quelque nom fameux ou charmant ! Passe encore pour la Circé de M. Rouffio, qui sort de son palais tenant une baguette à la main ; elle ne manque pas d’expression, il y a de la diablerie dans son regard et dans sa bouche. Toutefois nous doutons beaucoup que Circé eût l’habitude de faire ses courses vêtue de sa seule baguette magique. Vous citez Homère, et Homère nous montre sa magicienne « enveloppée d’un tissu léger, éclatant de blancheur, que maintenait une ceinture d’or. » Nous comprenons mieux que le Printemps de M. Morot soit tout nu ; mais est-ce bien le printemps que cette gracieuse jeune fille qui se tresse une couronne de verdure ? O modèles, ô académies, qu’on se donne peu de peine pour vous déguiser ! Sonate, que nous veux-tu ? Et n’est-ce pas encore une académie que le Caïn de M. Falguière, emportant sur ses épaules le cadavre de son frère Abel ? Son corps a été construit et façonné par quelqu’un qui s’y connaît, sa tête est si insignifiante que nous l’avons pris d’abord pour un très brave homme qui vient de repêcher un noyé ; il l’a chargé sur son dos et s’en va tout courant réclamer sa médaille de sauvetage. Voilà des méprises auxquelles on n’est jamais exposé quand on regarde un tableau de M. Bonnat. Que dirons-nous de sa Lutte de Jacob ? Nous dirons que M. Bonnat