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déjà un monument. J’ai nommé M. Théodore Juste. En ce moment même, l’un des plus illustres compagnons du roi Léopold, M. le baron Nothomb, aujourd’hui ministre de Belgique à Berlin, publie la quatrième édition de son Essai historique et politique sur la révolution belge, et il y ajoute un avant-propos où le règne de Léopold est résumé à grands traits. Nous ne pouvons que renvoyer le lecteur aux ouvrages de M. Théodore Juste et de M. le baron Nothomb. Il n’y a pas sur ce point d’autorité plus haute.

Qu’il nous soit permis seulement, pour conclure, de rendre dommage à la Belgique elle-même. En écrivant ce récit, nous nous sommes plus occupés des influences du dehors que des ouvriers du dedans, nous avons plus parlé de la conférence de Londres que du congrès national de Bruxelles. C’était une des conditions de notre sujet. Nous avions à mettre en usage quelques-unes des révélations de Stockmar, à les contrôler, à les rectifier. Nous avions surtout à défendre les traditions libérales de notre France injustement attaquée. Voilà pourquoi les noms de Louis-Philippe, de Talleyrand, de Casimir Perier, reviennent plus souvent dans cette étude que les noms des grands citoyens belges fondateurs de la monarchie belge. Je ne finirai pas cependant sans avoir dit l’impression profonde que doit produire sur tout esprit attentif le tableau des discussions du congrès. Certes, des hommes tels que M. le comte de Mérode, M. le comte Lehon, M. le baron Nothomb, M. Joseph Lebeau, M. Gendehien, M. Rogier, M. Van de Weyer, M. de Gerlache, M. de Potter, M. Brouckère, et bien d’autres encore, représentent les directions politiques les plus diverses ; il y a eu des luttes terribles à la tribune du congrès, des luttes qui, par momens semblaient annoncer des violences révolutionnaires ; le débat terminé, le vote librement émis, les partis s’apaisaient, le patriotisme faisait taire les dissidences, on ne songeait plus qu’à établir l’indépendance nationale. Si l’on regarde les choses de haut, il faut reconnaître que le royaume de Belgique, né d’une révolution, a été dans son ensemble l’œuvre de la modération et du bon sens. Une force morale a présidé à l’enfantement : chaque parti, chaque groupe, chaque personnage, du plus grand au plus petit, du roi Léopold au plus humble des représentans du peuple, a dû faire et a fait des sacrifices à la cause commune. Spectacle rare en tout temps, plus rare que jamais dans le siècle où nous sommes. De là est sorti ce petit état qui, sans frontières naturelles, n’étant protégé ni par des montagnes, ni par des fleuves, ni par une ceinture de mers, obligé de prendre racine en ce vieux sol européen perpétuellement remué (je répète ici les paroles du baron Nothomb), célébrera dans quatre ans la cinquantaine de son indépendance.

Veut-on se faire une juste idée de ces sacrifices ? En voici un qui