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fécondité par leur propre expérience : tels sont la Belgique, qui, si elle est peu considérable par le chiffre de sa population, pèse dans le monde par les habitudes laborieuses de ses habitans, son esprit d’ordre et d’économie, l’abondance de ses capitaux, l’habileté de ses chefs d’industrie, de ses ingénieurs et de ses armateurs, et l’étendue de sa production, étendue qui lui assure, dans le commerce et les échanges internationaux, un rang voisin de celui des grandes puissances ; — la Hollande et la Suisse, qui méritent les mêmes éloges que la Belgique ; — les royaumes Scandinaves, où la culture intellectuelle est très avancée, l’amour du travail très développé, et où l’on excelle dans la navigation ; nous aurons occasion de faire remarquer qu’au moins un de ces trois royaumes s’est essayé avec succès dans les manufactures.

L’Italie et l’empire d’Autriche sont convertis à la même cause, par les mêmes motifs, sous quelques réserves qui n’ont rien d’inquiétant, car elles leur sont imposées par leur malaise financier. Le grand empire de Russie a pour souverain un des hommes les plus éclairés de son temps, qui, par l’affranchissement des serfs dans ses vastes états, a donné, autant que qui ce soit dans le monde, des gages de sa conviction profonde en faveur de la liberté du travail. Les hommes d’état russes comptent parmi les plus distingués et les plus clairvoyans de l’Europe. La Russie vise avec raison à devenir un des principaux greniers du monde civilisé, par l’exportation des blés, à la production desquels ses immenses plaines se prêtent admirablement. Quand une nation et un gouvernement se proposent d’exporter sur les plus grandes proportions, ils ne peuvent qu’être les amis de la liberté du commerce.

La conclusion à tirer de ce qui précède est, ce me semble, que les nations à qui cette grande expérience a si bien réussi, doivent la poursuivre, c’est-à-dire rendre de plus en plus libres les échanges internationaux, et, par une réaction naturelle sur elles-mêmes, donner une liberté croissante aux transactions diverses dans leur propre sein. En d’autres termes, le renouvellement des traités, qui va s’accomplir d’une manière générale sur la surface entière de l’Europe, ne saurait avoir pour objet de maintenir tel quel pour les états continentaux ou avec des changemens peu Significatifs, l’état actuel des choses sur le continent. Il ne peut s’agir d’une halte dans ce qui n’était qu’un régime provisoire où l’on était entré avec hésitation et à tâtons. Le renouvellement des traités doit être l’occasion d’une marche en avant exécutée avec résolution, afin de se rapprocher d’un terme définitif auquel on arriverait aussitôt qu’il serait raisonnablement possible, et qui serait la liberté des échanges pratiquée à peu près comme elle l’est en Angleterre.