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soutenir la discussion. L’infortuné ministre, honteux du métier qu’il faisait, crut se tirer d’embarras en promettant qu’à une des prochaines sessions le droit serait réduit. Vaine promesse ! Dans les sessions suivantes, le droit fut augmenté jusqu’à ce qu’il atteignît, pour les fers à la houille, une élévation scandaleuse, 275 francs par tonne.

Cette politique inhumaine et restrictive du travail est une des énormités commises sous la restauration. La justice nous oblige à ajouter que, excepté dans le cas spécial des fers en 1814, la responsabilité de cette lourde faute n’incombe pas au gouvernement d’alors. Il eut le tort de laisser faire ; mais l’initiative vint des grands propriétaires fonciers, nombreux dans les deux chambres, y ayant la haute main, auxquels il ne crut pas devoir résister. Presque sans distinction d’ultras et de libéraux, ils furent pour la raréfaction et la cherté de tous les alimens et autres produits agricoles, ainsi que des fers, matière indispensable à toutes les industries. Les grands manufacturiers firent bientôt cause commune avec eux. Benjamin Constant vengea l’intérêt public par un trait spirituel qu’il lança du haut de la tribune. Il appela ce qui se passait « l’enthousiasme de renchérissement. » La révolution de 1830 se chargea de montrer si le rempart dont on s’était flatté d’avoir ainsi entouré la royauté avait quelque puissance pour la sauver.

Le régime commercial établi sous la restauration se perpétua jusqu’au second empire. Sous la royauté de 1830, quoique le roi fût personnellement pour la liberté du commerce, le joug des protectionistes fut aussi pesant qu’auparavant. A deux reprises, en 1830 et en 1847, on eut quelque velléité de réforme au sujet des articles manufacturés ; mais c’étaient des coups portés d’une main débile et vacillante. Par la révision de 1836 ou tentative prétendue telle, on raya quatre ou cinq prohibitions indifférentes sur la myriade qui était inscrite au tarif, et si l’on toucha au droit sur les fers, ce fut pour le réduire à 206 francs par tonne, ce qui le laissait prohibitif. La démonstration de 1847 consista dans un projet de loi, digne pendant de l’insignifiante loi de 1836. On l’avait annoncé comme une imitation de la réforme anglaise ; ce n’en était que la caricature. Du reste, ce stérile projet n’aboutit pas : la déplorable révolution de 1848 renversa le trône et balaya toutes les lois en instance. A côté des progrès minuscules réalisés en 1836 ou promis en 1847, on doit mettre à la charge des chambres d’alors plusieurs aggravations des dispositions du tarif relatives aux céréales et à d’autres productions agricoles. Dès 1832, on soumit l’importation des blés au système vicieux dit de l’échelle mobile, qui fait varier les droits en raison inverse des)prix, système qui miroite assez