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prélève, par le timbre et l’enregistrement par exemple, des droits plus ou moins élevés. Dans le délai compris entre le commencement de 1842 et la fin de 1874, les relevés consignés dans le Statistical Abstract montrent que les réductions ou suppressions d’impôts font 1,189 millions de francs, les augmentations ou créations d’impôts 284 millions ; la balance du côté des réductions et suppressions est donc de 905 millions, et pourtant le revenu public, au lieu de baisser, s’est élevé.

Une des facilités nouvelles dont a été doté en Angleterre le travail national consiste dans la réforme radicale des lois auxquelles était soumise depuis Cromwell la navigation maritime. Dans le dessein de développer la marine marchande et d’obtenir ainsi le moyen de lever des matelots pour la marine militaire, Cromwell avait fait l’acte de navigation qui tendait à assurer par monopole au pavillon anglais tous les transports du commerce entre les îles britanniques et le reste du monde. Un grand nombre de lois étaient venues s’ajouter à l’acte de navigation pour l’expliquer et le modifier ; mais le même esprit dominait toujours. L’acte de navigation passait pour le palladium de l’Angleterre, la garantie de son indépendance. Adam Smith lui-même avait courbé le genou devant l’idole. Les partisans de la liberté du commerce l’ont attaqué au commencement de 1847, et après deux ans de lutte ils l’ont démoli. Le pavillon anglais n’a plus aucun privilège, pas même celui du cabotage ou du commerce des colonies. Tous les pavillons étrangers sont admis à lui faire concurrence sur le pied d’une égalité, au grand avantage du commerce. Cette réforme hardie, au lieu de nuire, comme on l’avait prédit, à la marine marchande de l’Angleterre, lui a rendu un immense service. Elle en fait la première du monde, la plus nombreuse et la plus prospère.

Par un effet éminemment heureux de ces réformes, la confiance mutuelle est entière entre les peuples et les pouvoirs de l’état. La reine est plus entourée de respect et d’affection que ne l’a été aucun de ses prédécesseurs. La sympathie, compromise naguère entre le pauvre et le riche, s’est raffermie, parce que les populations peu aisées ont pu reconnaître, à l’attitude et aux actes du législateur, que le système des préférences et des privilèges accordés naguère aux classes dirigeantes de la société était loyalement abandonné avec l’assentiment de ces classes elles-mêmes. L’abolition complète du système de redevances, directes ou indirectes, au profit des uns et au détriment des autres, tel qu’il était tant qu’il restait des dispositions protectionistes dans les lois, a fait une profonde impression sur les populations ouvrières. Elles ont répudié toute pensée révolutionnaire et se montrent profondément attachées à