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Lorrains orientaux ; leur stature imposante, leurs cheveux blonds, leurs yeux bleus, tout rappelle que l’Allemagne n’est pas loin. » Reculons donc alors et replions-nous sur le centre ou sur l’ouest, en Normandie, par exemple. « Dans les veines du Normand bat encore, à ne s’y pas méprendre, un sang germanique… De là son aptitude aux affaires, son habileté, son coup d’œil. Il n’est pas seulement le meilleur agriculteur, il est aussi le meilleur matelot de la France… C’est un arrière-souvenir du temps des anciens rois de mer. »

Et voyez un peu ce que c’est que d’avoir étudié. Ce que j’admire le plus chez les Allemands, ce que nous pourrions leur envier, c’est un goût naturel pour la discipline : on sent qu’ils ont été dressés par des rois caporaux. Le professeur Haeckel ayant déclaré quelque part « que pour apprécier la valeur intellectuelle de l’homme, il n’était pas de meilleur étalon que l’aptitude à adopter la théorie évolutive et la philosophie monistique qui en est la conséquence, » tout bon Allemand depuis lors d’évoluer consciencieusement, pour donner une haute idée de son développement intellectuel. Quoi cependant ! ni la Flandre, ni la Picardie, ni la Bretagne, ni la Champagne, ni la Normandie ! car, pour le Roussillon, pour la Savoie, pour la Corse, on a déjà vu qu’il n’en saurait être question. De quel côté nous retournerons-nous ? vers la Bourgogne ? « La Bourgogne est de toute la France la province qui ressemble le plus à l’Allemagne… Même dans la grande ville industrielle de Lyon, c’est à peine, comme aussi dans toutes les contrées avoisinantes, si l’on rencontre quelques traces de l’inconsistance et de la frivolité françaises. » C’est un terrible homme que ce M. Hummel, un redoutable ethnographe, un cruel statisticien. Pousserons-nous au Languedoc ? « En Languedoc, la race est forte, sérieuse, de caractère bien autrement ferme et persévérant que la vraie race française. Arndt en a donné la raison : c’est que dans ces contrées, les conquérans visigoths ont détruit l’élément gaulois ou du moins y ont mêlé une forte proportion de sang germanique… Cette origine se trahit dans l’aptitude philosophique de la race… » Pour le coup, nous n’avons plus qu’à nous réfugier en Provence : là du moins, aux environs d’Aix et de Marseille, dans ces plaines fameuses qu’illustra le carnage des Teutons, nous pouvons espérer que les souvenirs du monde romain nous défendront des prétentions germaniques. Apprenez, bonnes gens, que « si selon toute vraisemblance les départemens de la Méditerranée renferment le plus grand nombre des descendans français de race latine, ce n’est pas encore qu’il n’y ait lieu de supposer que le sang y soit croisé dans une forte proportion de sang goth et burgonde. »

Cette élimination faite, je laisse à calculer ce qu’il reste de vrais Français, — Normal-Franzosen, — comme les appelle si bien notre géographe, c’est-à-dire, si je traduis correctement, de Français selon la