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Mais des études à peu près suffisantes pour la protection du littoral ne rendent pas apte à naviguer en haute mer, à y livrer bataille. De bons cadres, et par-dessus tout d’excellens officiers, peuvent suppléer au défaut d’aptitudes maritimes du plus grand nombre. Or on est certain que les officiers de la marine russe ont toute la bravoure désirable. Ont-ils dans l’ensemble autant d’instruction que de courage ? Égalent-ils, sous ce rapport, les officiers de la nouvelle marine prussienne ? Il est permis de l’espérer ; cependant le doute à ce sujet n’est pas interdit. L’intelligence est la même ; les études sont-elles aussi fortes ? Il y a d’abord à Saint-Pétersbourg l’institut des cadets de marine ; cet établissement contient de 200 à 300 élèves recrutés dans les rangs de la noblesse. L’admission des candidats est prononcée après un examen dont le programme, assez élémentaire, comprend : la géographie, l’histoire, l’arithmétique et quelques notions de géométrie. Les candidats sont sévèrement interrogés, particulièrement sur la langue russe. Cette disposition, dans un empire composé de tant de peuples divers, écarte beaucoup d’aspirans, et spécialement les Finlandais. Après trois années et demie d’études, les élèves sont versés dans les équipages sans avoir été exercés à la manœuvre ; deux années de navigation complètent leur noviciat, et ils sont nommés enseignes.

L’académie scientifique de Saint-Pétersbourg est ouverte aux officiers. On y enseigne l’hydrographie, la mécanique ; c’est aussi une école de construction navale. Les cours durent deux ans. Si les officiers ne satisfont pas aux examens, ils quittent l’académie. S’ils réussissent à les passer convenablement, ils portent sur la poitrine, comme signe honorifique, une, couronne de chêne ; c’est à peu près tout l’avantage qu’ils retirent de ces nouvelles études. Quand on compare cette organisation à celle des écoles prussiennes, on en reconnaît immédiatement l’infériorité. Toutefois le service de la marine n’est pas moins recherché à Saint-Pétersbourg qu’à Berlin. Les officiers, s’ils sont moins savans, sont animés de la même ardeur pour le service et ils sont bien plus nombreux. Le corps des officiers de la marine russe compte en effet 3,000 hommes ; mais cet effectif comprend les corps auxiliaires, celui des constructions navales, par exemple. Réduit aux seuls marins, le personnel des officiers ne s’élève pas à plus de 1818. C’est le plus considérable de toutes les marines du monde, la flotte anglaise n’ayant que 1565 officiers, dont plus de moitié en demi-solde. Comme point de comparaison, ajoutons que l’effectif réglementaire de la marine prussienne est de 301 officiers. On en compte 483 dans la flotte de l’Autriche.

N’importe ! plus les officiers sont nombreux à bord de la flotte russe et meilleurs sont les équipages. On ne saurait douter de leur zèle, et leur présence régularise le dévoûment incontestable des