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le nombre à 60,000. N’en existe-t-il pas d’autres sur les côtes de la Mer-Blanche, dans les grands lacs de l’intérieur et même le long des fleuves, comme le Dnieper et le Volga, où la pêche est l’unique industrie de nombreuses populations. Un moment, le gouvernement a conçu la pensée d’organiser en Russie l’inscription maritime. Cette pensée, il ne l’a pas mise à exécution. Nous en ignorons le motif ; mais cela est regrettable, car la Russie étant aujourd’hui l’unique contrepoids de la puissance allemande, tout ce qui l’affaiblit est un encouragement pour l’ambition de Berlin. Eh bien ! partout on tremblerait de voir la marine russe entrer en conflit avec la nouvelle flotte prussienne. Celle-ci est peut-être la moins forte ; mais sur mer les marins seront toujours redoutables pour des soldats embarqués. Cette vérité est d’ailleurs énoncée ici d’une façon peut-être trop absolue en ce qui concerne la marine russe, car, s’il n’existe pas dans ce pays une inscription maritime qui contraigne au service de l’état tous les hommes adonnés au métier de la mer, le gouvernement, pour pallier ce défaut d’organisation, choisit autant que possible, pour faire partie des équipages, les recrues provenant du littoral maritime et des rives fluviales.

C’est un grand malheur pour sa flotte, que les Finlandais soient exempts du service militaire. Ces pêcheurs du nord font d’excellens marins. Au demeurant, la plaie de la marine prussienne est l’émigration ; le faible de la marine russe est la composition de ses équipages. Elle essaie de compenser par l’étude le vice de leur origine territoriale, elle y met tous ses soins. Il existe à Nicolaïef une école pour les matelots. Il en est d’autres à Cronstadt et à Saint-Pétersbourg. On donne d’abord une première instruction dans les casernes, la lecture et l’écriture en font le principal objet ; suivent, pour les plus intelligens, des études moins élémentaires. Dans plusieurs écoles, à Cronstadt, les matelots reçoivent des notions sur l’artillerie, la comptabilité, les manœuvres, la gymnastique. On s’exerce au tir dans l’établissement scolaire d’Oranienbaum, et chaque année les élèves de cette institution sont embarqués sur une escadrille composée de plusieurs cuirassés où ils sont appelés à mettre en pratique les leçons des professeurs. Deux années sont consacrées à ces cours. A la suite, les élèves passent des examens et sont répartis dans les équipages. Enfin le gouvernement a créé une école des novices, destinée aux fils de marins. Il en résulte surtout un service d’artillerie très perfectionné, et comme l’administration de la marine met au-dessus de toute autre préoccupation la défense des côtes de l’empire, dont la flotte ne paraît pas devoir beaucoup s’écarter, ce but est atteint par la formation d’un corps nombreux d’artilleurs instruits. Il y attache une telle importance que les officiers doivent passer deux ans à l’école de tir et à l’école d’artillerie.