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commandement, si cette flottille avait existé, fut fait prisonnier, lors de la capitulation de la ville, tout comme un simple officier de terre.

En résumé, la flotte cuirassée de la Russie compte en ce moment vingt-neuf navires, tous forts et bien armés, tous construits d’après les meilleurs types, chacun dans sa spécialité, tous réalisant les perfectionnemens les plus récemment adoptés. Toutefois l’amirauté russe n’a pas l’intention d’en rester là ; c’est ce qui ressort d’une lecture faite, il y a deux ans, par un lieutenant de vaisseau, M. Mertwago, au club maritime de Cronstadt, devant un brillant auditoire et spécialement en présence de l’amiral Boutakof, commandant de l’escadre. Ces sortes de conférences sont fréquentes, le gouvernement les encourage avec raison, car il y voit un moyen d’exercer les facultés des jeunes officiers de la flotte, de les attacher à l’étude de leur profession, de mettre en lumière leur science et leur talent, de favoriser l’exposé des divers systèmes de construction, de manœuvre, de tactique navale. Donc M. Mertwago s’était placé dans l’hypothèse d’une guerre entre la Russie et la Prusse. Admettant que trois mois après l’ouverture des hostilités l’armée du tsar serait en état de passer la frontière, il se demandait quel serait le rôle de la marine, quelle devrait en être la force pour bloquer les ports prussiens et protéger l’aile droite de l’armée. Si la guerre était engagée en 1883, époque où la flotte prussienne, prévue par M. de Bismarck, sera tout entière achevée, M. Mertwago estimait à 12 cuirassés de 1re classe, 12 de 2e classe et 38 croiseurs, la force navale que la Russie devrait mettre en ligne[1]. Or l’empire d’Alexandre II possédera ce nombre de bâtimens précisément en 1883. Si la guerre éclatait dès à présent, la marine russe, ajoutait l’orateur, ne pourrait pas prendre l’offensive, et dans ce cas elle devrait se borner à la protection des côtes. Or elle pourrait aisément s’acquitter de ce devoir, car la Russie est armée pour le remplir, et les préparatifs qu’elle a faits sont excellens.

C’est ce que nous avons dit. La Russie, depuis l’époque où elle a commencé la reconstruction de sa flotte, — il serait peut-être plus correct de dire la création d’une flotte, — a dépensé chaque année environ 23 millions en constructions de bâtimens, c’est-à-dire 230 millions dans les dix dernières années. En supposant, comme le lieutenant Mertwago, que sept années s’écoulent encore avant la fin de ce grand travail, la dépense étant calculée jusqu’en 1883 sur le pied des frais antérieurs, il faut ajouter 160 millions au total des dix dernières années, soit de 390 à 400 millions en dix-sept ans. Ces chiffres sont très approximatifs, et il est très difficile de les

  1. Revue maritime, t. XLIII.