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aux principes du Koran, qui proscrit le prosélytisme une fois le tribut accepté, ces réformes devinrent des nécessités politiques à partir du jour où la Grèce, échappant au joug des Turcs, (7 mars 1830), fut constituée en un royaume indépendant.

L’issue de cette révolution influa d’une manière favorable sur le sort des chrétiens. L’Europe avait les yeux fixés vers l’Orient, et désormais toute infraction aux engagemens souscrits par les sultans eux-mêmes devenait un grief pour les populations chrétiennes du monde entier : les grands-vizirs les plus obstinés dans les vieux erremens comprirent dès lors qu’au lieu d’alimenter la haine et d’élever des barrières entre les deux races, il fallait au contraire apaiser les esprits par des concessions, briser les entraves apportées au libre exercice du culte, effacer enfin les inégalités qui subsistaient encore entre les osmanlis et les chrétiens.

Ce n’est point à dire que pendant un si long espace de temps il n’y ait eu de dissensions entre les vainqueurs et les vaincus. Si le Turc est essentiellement tolérant à l’égard du culte, il est exact qu’à diverses phases de la domination il a rêvé l’extermination complète des chrétiens de ses états, parce qu’il a vu dans leurs soulèvemens successifs un grave danger pour l’empire : au lendemain du désastre de Navarin, Sultan-Mahmoud, qui fut le grand réformateur, caressait cette idée d’un massacre général ; comme en 1640, sous Mourad IV, et en 1770, à la suite du soulèvement de Morée, on avait discuté la question dans les conseils du divan ; mais une fois l’idée écartée et le péril d’une telle détermination reconnu, Mahmoud entra résolument dans la voie des réformes, octroya le principe de l’égalité devant la loi et alla jusqu’à encourager la construction des églises. On vit en 1831 le grand-vizir Réchid-Pacha, si énergique dans la répression de l’Albanie, souscrire 80,000 piastres pour l’érection d’une église du rite grec à Monastir. En 1837, le sultan parcourut la Bosnie et l’Herzégovine afin de s’assurer par lui-même de la stricte observation des règlemens qui avaient suscité de très graves désordres dans cette partie de l’empire. C’est à cette époque que l’une des clauses les plus essentielles de la capitulation d’Omar, celle relative à la distinction du costume, si chère aux musulmans et dont ils étaient si fiers, abolie déjà en principe par Mahmoud, entra définitivement dans la pratique. On vit, au grand scandale des Bosniaques du vieux parti turc, les raïas ceindre le turban et porter de pantoufles jaunes comme les fils du Muslim. Mahmoud, en cette année 1837, alla plus loin qu’aucun de ses successeurs dans la voie des réformes ; il enjoignit à toutes les autorités de veiller au bien-être de ses sujets sans distinction d’origine ni de culte, et il prononça ces paroles mémorables, que les historiens