Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/625

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’en référer aux faits généraux officiellement formulés par la note diplomatique à laquelle nous ayons souvent fait allusion dans le cours de ce travail.

« Il n’est peut-être pas de contrée dans la Turquie d’Europe, dit le comte Andrassy, où l’antagonisme qui existe entre la croix et le croissant prenne des formes aussi acerbes, Cette haine fanatique et cette méfiance doivent être attribuées au voisinage de peuples de même race jouissant de la plénitude de cette liberté religieuse dont les chrétiens de l’Herzégovine et de la Bosnie se voient privés.

« Plus d’une fois l’Europe a eu à se préoccuper de leurs plaintes et des moyens d’y mettre un terme. Le hatti-houmaïoum de 1856 est un des fruits de la sollicitude des puissances ; mais, aux termes mêmes de cet acte, la liberté des cultes est encore limitée par des clauses qui, surtout en Bosnie et dans l’Herzégovine, sont maintenues avec une rigueur qui chaque année provoquait de nouveaux conflits. La construction des édifices consacrés au culte et à l’enseignement, l’usage des cloches, la constitution des communautés religieuses, se trouvent encore assujettis dans ces provinces à des entraves qui apparaissent aux chrétiens, comme autant de souvenirs toujours vivaces de la guerre de conquête, qui ne leur font voir dans les musulmans que des ennemis de leur foi, et perpétuent en eux l’impression qu’ils vivent sous le joug d’un esclavage qu’on a le droit et le devoir de secouer. »

Remarquons, en passant que la politique des hommes d’état est pleine d’inconséquences, qu’il est difficile de dire plus clairement à des insurgés que l’insurrection est le plus sacré des devoirs ; dans le cas où ils se trouvent, que d’ailleurs depuis hier les insurgés sont des bélligérans. Et s’il le peut, que le gouvernement austro-hongrois, après avoir apporté l’appui moral de cette note à la rébellion, explique l’enlèvement du chef Liubibratich sur le territoire de Vingani, que la carte de l’Europe centrale de Schéda et celle de Handtké désignent, à n’en pas douter, comme une terre ottomane et non autrichienne.

Nous allons examiner, en nous plaçant sur le terrain des faits, comment les choses se passent dans les provinces, en ce qui concerne la liberté des cultes, quelle est la constitution qui les régit et quelle est, dans la pratique, la façon dont on exécute la loi.

Il faut le dire ouvertement, cette loi des vilayets, applicable aujourd’hui à la province de Bosnie et à son sandjak de l’Herzégovine, est très libérale au point de vue religieux, et ce libéralisme ne date pas d’hier, il n’est pas le produit d’une influence étrangère ni le résultat de la prudence et de la perspicacité des hommes d’état de la Porte, qui ont senti le besoin de faire des concessions à l’esprit moderne ; il est dicté par le Koran lui-même, qui a posé ce