Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/615

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serviteurs de celui-ci, qui, de jardin en jardin, s’en iront comptant combien de feuilles vertes restent sur chaque plant, et si le nombre est conforme au chiffre inscrit sur le registre de l’impôt. Dans ce dernier cas, ces délégués, comme tous ceux qui dépendent du service des gabelles, logent au village chez l’habitant et à ses frais ; on agit de même pour la perception du décime, et, s’il faut s’en rapporter aux récits des raïas, ces séjours des percepteurs chez eux sont aussi onéreux que l’impôt lui-même. Ceci est le fait dans la pratique, car la loi n’admet pas que ses agens imposent leur présence et leur entretien au contribuable : jamais un fonctionnaire ne peut réquisitionner sans payer, et tout service rendu hors des corvées légales doit être rétribué ; mais il n’en est pas ainsi, et le passage des fermiers et des représentans de l’autorité en visite d’enquête équivaut à nos dragonnades, à cause de la différence des religions et de l’idée naturelle de supériorité que l’osmanli s’attribue sur le raïa.

Le broc est une herbe à teinture qui fournit un rouge vif très utile et très apprécié en Bosnie ; elle ne produit la fleur d’où on extrait la matière colorante, qu’au bout de quatre années ; à partir du jour où elle a fleuri, elle donne annuellement son revenu. Chaque parcelle de terrain planté de cette herbe paie un droit spécial de 4 piastres, et cela depuis le jour où elle est plantée. Si le raïa, qui file sa laine et qui la teint lui-même, n’ensemence qu’un petit espace de 3 ou 4 mètres carrés afin d’avoir sous la main le produit nécessaire à son usage, il n’échappe pas plus à l’impôt que celui qui fait de cette vente une source habituelle de revenus.

L’herbatico est un droit de pâturage sur les montagnes ; il est fixé par chaque tête de bœuf à 4 piastres, et si, pour échapper à cet impôt, le raïa envoie son maigre troupeau dans ces terrains vagues dont l’état ne réclame pas la possession, il se trouvera toujours un beg ou un musulman pour arguer d’un état de possession dont on sera impuissant à constater l’authenticité.

Le porez, impôt sur le gros bétail, n’est en vigueur que dans les régions où n’a pas encore été introduit le régime du rad ou impôt sur le revenu du travail ; il est facile à percevoir, la taxe en est de 15 à 20 piastres par tête. Dans les grandes localités, le contrôle est facile, mais pour le resmi-agnam, impôt sur le menu bétail, la besogne est moins aisée, car on peut dissimuler aisément la possession ; aussi les précautions prises par l’autorité sont-elles la source de mesures vexatoires. Au lieu de s’en rapporter au knez ou chef de village, comme cela se pratiquait il y a peu de temps encore, les fermiers et leurs serviteurs arrivent à la nuit close pour surprendre le raïa, ils fondent sur lui au moment où il y songe le moins et