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militaire de tout individu qui n’est pas musulman ; il a encore conservé son ancien nom dans quelques provinces. L’haràc est exigible de seize à soixante ans pour chaque chrétien mâle, à raison de 22 piastres par tête et par an (4 fr. 40 c.). La Sublime-Porte pour la facilité de la perception a établi l’usage de réclamer une somme totale à chaque village, et le knez ou maire remplit l’office de répartiteur. Si l’argent demandé n’est pas en rapport avec le nombre des chrétiens contribuables, les chefs de village doivent imposer des enfans et des vieillards, ou de toute façon parfaire la somme exigée. Tout individu contribuable trop pauvre pour pouvoir acquittes l’impôt devra être porté au compte de la charité publique. De ce chef, la loi exige 22 piastres, mais, dans la pratique, par le système de répartition par tête de chrétien mâle, il est notoire qu’on perçoit 30 piastres.

Le vergui, impôt foncier sur les immeubles, s’élève au taux de 4 pour 1,000 ; c’est dans l’estimation elle-même qu’au dire des raïas se glisse l’arbitraire. L’impôt étant exigible du musulman aussi bien que du chrétien, une cabane de 1,000 paras est cotée parle répartiteur bien au-dessus de sa valeur, tandis que la maison du beg serait au contraire appréciée au-dessous de ce qu’elle vaut en réalité.

Le décime (desétina, en slave) est prélevé sur toutes les céréales, le tabac, les légumes, les fruits, le raisin, les fourrages, etc. Au lieu de représenter la dixième partie de la valeur de la récolte sur les céréales, cette taxe représenterait au minimum le huitième, car, depuis 1867, à l’occasion du voyage du sultan en Europe, on a établi un sur-impôt (zam) qui, se fondant avec le décime, en a augmenté le rapport ; mais, si exorbitante que soit la taxe même ainsi aggravée, c’est dans le mode de perception employé que réside le dommage considérable dont se plaint le raïa. Le gouvernement met aux enchères le droit de percevoir ce huitième, et comme il exige de ceux qui concourent à l’adjudication un prix qui n’est point en rapport avec le bénéfice légal à retirer de la soumission, il en résulte que le traitant emploie tous les moyens pour faire rendre le plus possible à l’impôt. Le grain mûr est sur le sol, on attend le percepteur qui, devant aller de village en village, ne peut naturellement pas répondre au vœu de tous ; pendant ce temps là, le soleil brûle le grain, la pluie vient après la chaleur, le vent souffle, le champ s’égrène. Le colon voudrait bien moissonner, compter sa récolte et mettre de côté la dîme ; mais l’estimation, légalement, doit se faire sur pied, et comme tout raïa tremble devant le représentant de l’autorité musulmane, il l’attend, il souffre, et sa moisson diminue. Le fermier de l’impôt est enfin venu ; après avoir déterminé avec le chef de la famille la quantité à marquer sur son registre,