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de la Haute-Asie ou des bords de l’Euphrate et du Nil. Ce fut dans un autre de ces châteaux royaux d’Arménie, dans celui de Gaban, que se joua en 1374 le dernier acte du drame qui mit fin à l’agonie du malheureux et héroïque royaume chrétien. Ce fut derrière ses hautes murailles que le dernier roi d’Arménie, Léon VI, se défendit pendant neuf mois contre les innombrables contingens égyptiens et éthiopiens du sultan Melik-Aschraf-Scha’ban. Forcé par la faim de se rendre à discrétion, il vit son royaume anéanti par la plus effroyable des dévastations. Lui-même, longtemps chargé de fers sur le sol d’Égypte, au château du Caire, obtint enfin sa liberté, grâce aux bons offices des princes d’Aragon et de Castille. Il partit pour l’Occident en 1382, après huit ans de captivité, afin d’implorer en sa faveur la compassion de l’église et des souverains, qui le reçurent partout avec le respect que commandait sa grande infortune. Alors commença pour lui une de ces odyssées, une de ces existences errantes et étranges, dont la vie du moyen âge nous offre tant et de si curieux exemples. Tour à tour plein d’espoir, caressant les plus chimériques projets de restauration, puis plongé dans le découragement et presque dans la gêne, vivant des subsides des princes d’Occident, Léon VI résida successivement à Rome, à Madrid, à Londres et à Paris. Ce roi errant finit par mourir dans cette dernière capitale, le 29 novembre 1393, dans le palais des Tournelles, rue Saint-Antoine, vis-à-vis de l’hôtel de Saint-Pol, demeure habituelle des rois de France. Il fut inhumé aux Célestins, où son corps resta jusqu’à la révolution. Ses cendres furent alors jetées au vent comme celles de tant d’autres. Son tombeau, d’abord transporté au musée des monumens français des Petits-Augustins, a été déposé pendant la restauration dans les caves des sépultures royales de Saint-Denis, où il est conservé actuellement.

Héthum Ier, fils du grand-baron Constantin et successeur de Léon, premier roi d’Arménie, eut un des règnes les plus longs et les plus agités de cette époque si troublée de l’histoire de la Cilicie chrétienne ; ses monnaies sont fort nombreuses. Sur les unes, Héthum figure à côté de la reine Isabelle, sa femme : tous deux sont debout, parés de la robe flottante et de la couronne royale, et portent entre eux une longue croix. D’autres pièces du même prince rentrent dans la classe de ces monnaies si curieuses appelées bilingues, parce qu’elles portent des légendes écrites en deux langues différentes. Celles du roi Héthum rappellent une des pages les plus douloureuses de l’histoire de l’Arménie, alors que son prince, vaincu, fut devenu pour plusieurs années le vassal des puissans sultans d’Iconium. Sur le revers figure Héthum à cheval, entouré d’une légende en caractères arméniens, mais la face opposée tout entière est occupée par une légende arabe qui énumère les titres et les surnoms