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contrées vers le XIIe siècle, race vivace et énergique, luttèrent incessamment contre tous les envahisseurs, Sarrasins, Arabes, Tartares et Égyptiens, qui les environnaient d’un cercle de fer, se rétrécissant sans cesse. Ils avaient pour chefs des princes nationaux, les Roupéniens, ou descendans de Roupène, d’abord simples princes régnans ou barons, comme les appellent les chroniqueurs francs des croisades, puis rois véritables consacrés par l’église de Rome et par l’empereur d’Allemagne lui-même. Leurs sujets, réduits d’abord aux habitans de quelques villages groupés autour des châteaux perdus dans les montagnes, arrivèrent rapidement à une puissance qui en fit pour les princes croisés établis en Syrie d’utiles et, précieux auxiliaires. Grandis et fortifiés de leur côté par l’arrivée inattendue des premiers croisés, les Arméniens s’appuyèrent maintes fois sur eux dans leur résistance désespérée contre les armées musulmanes. Puis, lorsque les grandes catastrophes fondirent sur la Palestine et que le nom même des anciennes principautés franques eut disparu de Syrie, les Arméniens, frappés à mort par tant de désastres, tour à tour tributaires des sultans seldjoucides d’Iconium, des khans tartares et des sultans mamelouks du Caire, se soutinrent avec peine quelque temps encore ; ils étaient comme protégés par le voisinage de ce glorieux royaume latin de Chypre, qui avait si courageusement relevé l’étendard de la croix chassé de Syrie par les victoires de Saladin et de ses successeurs. Des princes de la maison de Lusignan remplacèrent même sur le trône d’Arménie les descendans de Roupène. Puis enfin tout fut fini pour Chypre comme pour l’Arménie, et l’invasion égyptienne, entraînant son dernier roi captif au Caire, transforma en une, solitude fumante les pentes sauvages du Taurus et les plaines de la Basse-Cilicie.

Les monnaies des rois chrétiens de la Petite-Arménie sont nombreuses. Généralement imitées des monnaies en usage parmi les populations chrétiennes ou infidèles voisines, elles portent presque toujours l’effigie du souverain, assis sur un trône richement orné, dans toute la splendeur royale d’autrefois, ou bien encore chevauchant, la couronne en tête et l’épée au poing. D’autres fois on y voit figurer la croix ou bien encore le lion, emblème héraldique de ces princes belliqueux. Toutes ces monnaies portent des légendes en caractères arméniens, où le prince prend le titre de roi (thakavor) de tous les Arméniens ; on y lit également le nom de l’atelier où fut frappée la monnaie, c’est parfois celui de Tarsous, l’ancienne Tarse, la métropole de la Cilicie grecque et romaine, beaucoup plus souvent celui de la ville royale de Sis. Cette capitale de l’Arménie était située dans la haute vallée du même nom, et bien souvent les princes roupéniens s’y retirèrent pendant que dans la plaine passait le flot dévastateur de l’invasion mogole, arabe ou égyptienne, accourue des plateaux