Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II

C’est le 4 juin 1831 que le prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha a été élu roi des Belges. Le congrès réuni au palais de la Nation était presque au complet. Sur les 200 membres 4 seulement avaient manqué à ce rendez-vous solennel. Chacun des députés, à l’appel de son nom, était monté à la tribune et avait remis au président son bulletin signé. Ce bulletin pouvait contenir autre chose que le nom de l’élu ; plus d’un votant, parmi ceux qui repoussèrent le prince Léopold, voulut donner les motifs de son vote et faire entendre ses protestations. Tous ces bulletins, avec les motifs plus ou moins développés, avec les protestations plus ou moins véhémentes, dernier écho des discussions de la veille, furent lus à haute voix dans le dépouillement du vote. 152 voix avaient nommé le prince Léopold ; sur les 44 opposans, 14 s’étaient prononcés pour le président du congrès, le baron Surlet de Chokier, qui depuis plusieurs mois déjà portait le titre de régent, 14 avaient déclaré qu’ils s’abstenaient de voter, 15 avaient protesté contre le prince et l’établissement d’une monarchie ; enfin le dernier suffrage avait été annulé, parce que le député qui l’avait émis, tout en votant pour le prince Léopold, avait prétendu retirer son vote d’avance dans certaines conditions qu’il indiquait. Après ce dépouillement, le président du congrès, prenant la parole au nom du peuple, avait proclamé le prince Léopold roi des Belges, à la condition d’accepter la constitution.

L’existence du nouveau royaume n’est pas encore réglée d’une façon définitive, il y a pourtant des bases assez solides pour que le prince Léopold ne craigne pas d’y poser le pied. La conférence de Londres est à l’œuvre ; elle va établir, d’accord avec le nouveau roi, les dix-huit articles qui doivent être proposés à la Hollande comme préliminaires de paix. La Hollande les acceptera-t-elle ? On ne sait encore. Ce n’est pas là une raison d’hésiter. La constitution est votée, la royauté est faite, la nation belge a parlé par ses représentans, la Belgique est résolue à ne jamais retomber sous la domination hollandaise. Cela suffit. Le prince Léopold ne peut pas attendre que tout soit réglé entre la Belgique et la Hollande, puisque c’est précisément pour achever de régler tout qu’on lui offre cette couronne, un retard amènerait la ruine du nouvel état. L’anarchie au dedans, au dehors une guerre européenne, voilà les termes inévitables, si l’intérim se prolonge. Il n’y a pas une heure à perdre quand les jours sont comptés. Le 26 juin, les dix-huit articles ayant été arrêtés par la conférence et communiqués à la députation du congrès belge, la députation se rend chez le prince