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tant soit peu précis le jugement qu’il serait peut-être bien aise de se faire à lui seul. Il y trouverait des digressions inattendues sur César Borgia, sur Ulric de Hutten, un chapitre entier sur le duel de Jarnac et de La Châtaigneraie. Il aurait tous les renseignemens nécessaires pour comparer entre eux les nez de Maximilien, de Louise de Savoie, de Marguerite de Navarre, de Diane de Poitiers et d’Ignace de Loyola ; mais presque rien sur ces événemens dont l’importance exerce une influence directe sur la marche de l’histoire, par exemple sur les négociations qui ont préparé l’avènement de Charles-Quint au trône impérial ou sur les conditions de la paix de Cateau-Cambrésis. Cependant, au milieu de toutes ces divagations, il rencontrerait des pages expressives où l’âme de cette époque complexe éclate avec éloquence. Il y trouverait encore cette intuition poétique des sentimens qui ont à un moment donné fait rêver les imaginations, battre les cœurs ou travailler les esprits. Il comprendrait les douceurs amollissantes qui ont désarmé nos soldats lorsqu’au sortir des âpres gorges alpestres ils ont, pour la première fois, respiré l’air chaud et parfumé des plaines de la Lombardie ; il goûterait à son tour le charme de ces villas italiennes « gardées au vestibule par un peuple muet d’albâtre ou de porphyre, entourées de portiques à « mignons fenestrages » qui recelaient au-dedans non-seulement un luxe éblouissant d’étoffes, de belles soies, de cristaux de Venise à cent couleurs, mais d’exquises recherches de jouissance ; caves variées, cuisines savantes, lits profonds de duvet et jusqu’à des tapis de Flandre, où, garanti du marbre, pût au lever se poser un pied nu. — Des terrasses aériennes, des jardins suspendus, les vues les plus variées. Aux jaillissantes eaux des fontaines de marbre, le cerf venant le soir boire sans défiance ; de grands troupeaux au loin en liberté ; la fenaison ou les vendanges, une vie de doux travaux. Tout cela encadré du sérieux lointain des Apennins de marbre blanc ou des Alpes aux neiges éternelles. » Notre jeune étranger y apprendrait cependant aussi à ne pas mépriser les attraits de la nature française. Il apprendrait à aimer Fontainebleau « et ses roches chaudement soleillées où s’abrite le malade, ses ombrages fantastiques empourprés des teintes d’octobre qui font rêver avant l’hiver ; à deux pas, la petite Seine, entre des raisins dorés, délicieux dernier nid pour reposer, et boire encore ce qui resterait de la vie, une goutte réservée de vendange. » Nulle part enfin je ne lui conseillerais de chercher une plus vive expression de cet art charmant de la renaissance qui sut prêter aux inspirations de la foi chrétienne la grâce des formes antiques, comme dans ces trois statues du Louvre qu’on a appelées les Trois Grâces jusqu’au jour où l’on a reconnu en elles la Foi, l’Espérance et la Charité. Quel