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M. Fremy, au contraire, défend la théorie de l’origine chimique des fermens, qui seraient créés directement par les corps organiques vivans ; l’air ne jouerait dans certaines fermentations que le rôle de milieu oxydant, et d’autres fermentations s’accompliraient dans l’intérieur des organismes où l’air ne pénètre pas, en vertu d’une « force végétative » dont seraient doués les milieux organiques : ces fermentations intracellulaires constituent l’argument principal que M. Fremy entend opposer aux partisans de la panspermie. Ce n’est pas qu’il nie la présence dans l’air de germes de moisissures, c’est-à-dire d’œufs d’infusoires et de spores de mycodermes ; mais il établit entre les fermens et les moisissures une distinction essentielle, bien que dans certains cas les deux phénomènes puissent se produire simultanément. L’air, d’après M. Fremy, contient des germes de moisissures, mais non des germes de fermens. Les nombreuses expériences, plus ou moins récentes, sur lesquelles M. Fremy appuie sa théorie, qu’il désigne sous le nom d’hémiorganisme, sont décrites tout au long dans le livre qu’il vient de publier sur la Génération des fermens. Le hasard a voulu que cette publication coïncidât avec celle des expériences si curieuses et si importantes de M. Tyndall, qui semblent donner complètement raison à M. Pasteur.

M. Tyndall a trouvé que l’air purifié par la filtration ou par l’action du feu ne diffuse plus la lumière. Une chambre de verre, remplie d’air clarifié, reste obscure lors même qu’elle est placée sur le passage d’un faisceau concentré de lumière : c’est qu’il n’y a rien pour réfléchir ou disperser les rayons lumineux. On peut désormais admettre que l’air dans lequel le passage d’un rayon de soleil ne trace pas de sillon lumineux a perdu aussi son pouvoir d’engendrer la vie, c’est-à-dire de semer les germes d’où naissent les fermens. M. Tyndall a constaté que l’air peut être rendu optiquement pur en le laissant simplement trois ou quatre jours dans une chambre close sans l’agiter et le troubler ; les poussières flottantes se déposent alors, et l’air confiné ne diffuse plus la lumière. Des solutions qu’on y laisse pendant des mois demeurent inaltérées, tandis qu’exposées à l’air ordinaire elles fourmillent de bactéries au bout d’un jour ou deux. Ces expériences de M. Tyndall, qui ont été communiquées récemment à la Société royale de Londres, et qui confirment toutes les conclusions de M. Pasteur, semblent fournir une nouvelle démonstration de l’impossibilité de la génération spontanée. En nous obligeant à chercher dans les germes charriés par l’air la cause prochaine des phénomènes de fermentation, elles font espérer qu’il sera possible de bannir les maladies parasitiques ou contagieuses de la face de la terre.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.