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raconter l’histoire. Les silex taillés, les silex polis sont aujourd’hui classés et catalogués ; on en commente l’usage et l’on refait à grands traits l’histoire des premières civilisations. Quelquefois l’esprit des anthropologistes y déploie une imagination trop luxuriante et une perspicacité trop pénétrante, en cherchant à reconstituer les bases de ces sociétés primitives ; mais qu’importent les critiques de détail quand le fond subsiste en entier ? Au musée de Saint-Germain, on peut voir que nos premiers pères avaient déjà des moyens d’attaque et de défense proportionnés à leurs ennemis, et des instrumens en rapport avec leurs besoins, des haches, des ornemens, des couteaux, des meules et tout l’attirail qu’on peut supposer à des hommes vivant dans l’état de nature. Dans les musées Scandinaves et notamment à Copenhague, on trouve des collections plus célèbres encore et plus complètes. C’est en effet dans les « kjokkenmödding » du Danemark qu’on rencontre le plus de pierres taillées, et que l’amateur de débris préhistoriques pourrait faire les plus riches trouvailles.

Donc l’humanité est très vieille, et on le savait depuis longtemps : l’âge de pierre l’atteste ; mais qu’est-ce que cette antiquité par rapport à celle qu’il faut lui reconnaître aujourd’hui ? En effet, il est maintenant certain, que l’homme existait à l’époque tertiaire, c’est-à-dire à une période géologique prodigieusement reculée par rapport aux annales de l’histoire. L’abbé Bourgeois a trouvé à Thenay, au-dessous des calcaires de Beauce, dans le miocène inférieur, des traces irrécusables de l’industrie humaine, telles que des silex et des haches de pierre. A cette époque, la terre était habitée par un certain nombre d’animaux disparus aujourd’hui, et, sans qu’il soit possible de préciser une seule date, on ne craindrait pas d’exagérer en parlant de milliers de siècles.

Quelque difficiles que paraissent ces questions, elles le sont moins encore que les problèmes qui touchent à l’origine réelle des peuples. Invasions, immigrations, émigrations se sont succédé avec une telle rapidité, et ont eu des résultats si importans et si peu appréciables, que l’histoire des peuples avant l’époque historique est aussi conjecturale qu’une mythologie. Cependant, dans ce dédale de faits contradictoires, il est possible de rencontrer parfois le fil d’Ariane, et quelques données positives sont la récompense des recherches aussi patientes que brillantes tentées dans les dernières années. Nous ne parlerons que de ce qui concerne la France, car il est moins intéressant de connaître l’histoire des peuplades de Bornéo ou de la Cafrerie que les origines de la nation française, aujourd’hui si homogène, mais composée pourtant d’élémens si disparates.

Il est très probable qu’il existait en France, à l’époque, du renne, du mammouth, du rhinocéros tichorhynus, une race indigène, à crâne étroit, et dont malheureusement il ne nous reste que peu de vestiges. C’est la période paléolithique, ou l’âge de la pierre polie, âge très long