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LA CONSTITUTION DU SOLEIL.

physiciens français, M. Vicaire, M. Violle, affirment, avec plus de raison probablement, qu’elle doit être inférieure à 3 000 degrés centigrades. Ces divergences prouvent cependant que la question n’est pas mûre et qu’elle demande de nouvelles recherches, comme la plupart des problèmes que soulève l’étude de la constitution physique du soleil.

Il n’en saurait être autrement. Nous ne pénétrerons pas si vite les mystères de ce monde de feu, de ce foyer de force et de lumière qui roule dans l’immensité et nous traîne à sa suite par la lisière de la gravitation. Cette distance de 37 millions de lieues, qu’un boulet mettrait un an à franchir, a beau être diminuée par les télescopes, l’œil devine plutôt qu’il ne voit ce qui se passe dans ces lointains parages. Et lorsqu’il s’agit d’interpréter ce que nos regards ont saisi, nous raisonnons toujours comme des habitans de la terre, oubliant à chaque instant que toutes les conditions sont changées là-bas. À dire vrai, les bases nous manquent pour comprendre le soleil : le plus souvent, on raisonne dans le vide. Il semble qu’il serait temps d’aborder par l’analyse la théorie de l’équilibre d’une masse gazeuse incandescente, soumise aux formidables pressions et aux températures non moins effrayantes qui doivent régner dans l’intérieur du soleil ; une pareille théorie, appuyée sur des expériences où l’on tenterait de se rapprocher de ces conditions hypothétiques, fournirait des points de départ, sérieux à l’interprétation des phénomènes que nous révèlent nos puissantes lunettes.

Lorsqu’on songe aux difficultés que présentent des recherches théoriques sur un terrain encore si peu solide, on comprend que l’observation continuera pendant longtemps peut-être à devancer la théorie. L’optique appliquée marche à pas de géant. Tandis qu’il y a vingt ans un objectif de 12 pouces était considéré comme le nec plus ultra de l’habileté des opticiens, M. Alvan Clark, à New-York, a déjà construit des lunettes dont les objectifs ont 26 pouces d’ouverture, et l’Observatoire de Paris entrera bientôt en possession d’une lunette encore plus puissante, qui sera le pendant de son gigantesque télescope à miroir de verre argenté. Ce sont là de vastes préparatifs, et nul doute que de nouvelles conquêtes dans le domaine de l’observation ne soient à la veille d’être réalisées. Comme le disait M. Carrington, les grosses dépenses en fait d’instrumens ne sont jamais perdues, et il est certain qu’il y a des phases dans l’évolution de chaque science où un pas nouveau devient une question d’argent. Pour faire avancer aujourd’hui notre connaissance du soleil, il semble plus rationnel de recourir aux « grands moyens » que de laisser se multiplier à l’infini les efforts isolés, tentés avec des moyens insuffisans.

R. Radau.