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Janssen, des Lockyer, des Huggins, des Young, des Rutherfurd, de tant d’autres qui se sont jetés avec ardeur dans la carrière nouvelle ouverte par l’apparition de cette admirable méthode. Dans toutes les parties du monde, des observatoires spéciaux sont voués à l’étude régulière de l’astre qui si longtemps s’est dérobé à nos investigations sous son voile de lumière.

I.

Ce qui en effet a empêché les astronomes des siècles derniers d’étudier le soleil d’une manière suivie, ce qui en rend toujours encore l’observation difficile, c’est sa lumière trop forte pour des yeux humains. À l’horizon seulement, où d’épaisses vapeurs éteignent l’éclat de ses rayons, nous pouvons le contempler sans danger, et c’est ainsi que des taches exceptionnellement larges ont été vues de temps en temps sur le disque du soleil aux époques les plus anciennes ; les annales des Chinois mentionnent jusqu’à quarante-cinq cas de ce genre. Galilée lui-même, lorsqu’il essaya sur les astres du ciel le pouvoir magique de sa première lunette, n’osa affronter le soleil qu’au moment du coucher : encore les observations qu’il fit ainsi devaient-elles finir par lui coûter la vue. Le père Scheiner, qui découvrit le phénomène des taches solaires à Ingolstadt en 1611, pendant que Galilée de son côté les montrait tous les jours aux lettrés de Rome dans le jardin Bandini, avait trouvé un autre moyen de se garantir de l’éclat du soleil : il interposait entre l’œil et l’oculaire de la lunette un épais verre bleu. Plus tard, il imagina de projeter l’image du soleil, formée par la lunette, sur un écran de papier blanc. Enfin l’astronome hollandais Jean Fabricius, qui avait devancé Scheiner et Galilée de quelques mois dans la découverte des taches, recevait l’image solaire dans une chambre obscure, à travers un trou circulaire pratiqué dans le volet.

Tant qu’on ne se sert que d’une lunette de dimensions modérées, les verres de couleur, épais et d’une teinte foncée, sont d’un emploi commode, bien qu’ils ne garantissent pas toujours l’œil d’un éblouissement plus ou moins persistant, et que la chaleur concentrée des rayons solaires les fasse souvent éclater, de sorte qu’il faut toujours avoir une provision de verres de rechange. On ne tarda donc pas à reconnaître certains détails de la structure des taches, à distinguer le noyau noir de la pénombre grise qui l’entoure, à remarquer les facules ou points brillans dont les environs des taches sont parsemés ; mais pendant deux siècles on n’alla guère plus loin. C’est qu’en effet les anciennes lunettes étaient trop faibles pour montrer beaucoup de détails, et lorsqu’on faisait plus tard