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continent habité par des races d’hommes multiples, s’imagine à première vue que les indigènes sont tous issus d’une même souche. L’œil ne lui révèle d’abord aucune différence entre les natifs de différentes tribus. Avec plus d’expérience, il apprend à discerner ce qu’il y a de dissemblable entre eux suivant la race et la province d’origine. L’observation scientifique rend ensuite ces distinctions plus frappantes. Enfin, quand ce continent est l’Amérique du Nord, le voyageur découvre à la longue des monumens ou bien il recueille des traditions dont il ne peut constater ni l’âge, ni l’origine, mais qui paraissent se rapporter à des races éteintes dont personne ne peut dire ce qu’elles sont devenues. Les monumens en particulier sont des plus curieux ; voyons quel secours l’histoire des races indigènes en peut retirer.


II

Le grand embarras de cette étude est l’absence complète de toute chronologie ; en effet, ce que l’on sait de positif sur l’histoire ancienne des nations américaines ne remonte qu’à quinze siècles au plus, encore y a-t-il trop de lacunes. Quelques mots suffiront pour résumer ce que nous apprennent ces annales. Toute la vie des Américains antérieurement à la conquête se concentre dans le plateau de Mexico, l’Anahuac ou pays des eaux, comme l’appellent les indigènes. Vers le Ve siècle de l’ère chrétienne, l’Anahuac aurait été occupé par les Toltèques, auxquels la tradition attribue les plus beaux monumens de la contrée. Ils étaient riches, instruits, prospères. Des héros mystérieux venus par mer on ne sait d’où leur avaient donné des lois, enseigné les arts utiles. Des guerres civiles, des famines ou peut-être des catastrophes suscitées par la colère des dieux, — l’histoire locale énumère toutes les causes de désastres l’une après l’autre, — les épuisèrent à tel point, que ce qu’il en restait se retira vers le sud. Alors arrivèrent du nord-ouest, vers le XIe siècle, les Chichimèques, peuples sauvages, qui préférèrent à leur pays natal les terres fertiles de l’Anahuac lorsqu’ils apprirent qu’elles étaient abandonnées. Ils s’y civilisèrent, ce qui ne les empêcha pas de se disputer entre eux. Vers l’an 1400, la tribu des Aztèques, plus belliqueuse et plus cruelle que les autres, avait acquis la prépondérance ; son roi, qui résidait à Mexico, partageait le pouvoir suprême avec les souverains de Tezcuco, de Tlacopan et de Tlascala ; il avait même la prétention de les dominer tous. Sur ce, Fernand Cortez apparut ; il eut l’adresse de s’allier aux petits potentats que menaçait l’ambition de Montézuma. Ce fut la cause de ses succès. Une vieille fable populaire annonçait que le pays serait conquis par des hommes à peau blanche arrivant par mer du côté du soleil levant ;