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précurseurs il y a quelques milliers d’années. En Amérique, la tâche serait plus facile en apparence parce que les habitans du Nouveau-Monde ont vécu, — du moins on peut l’imaginer, — dans un isolement presque absolu jusqu’à l’arrivée de Christophe Colomb. Toutefois, à y regarder de près, il n’y a pas là non plus de populations vraiment homogènes, car les Européens trouvèrent, dès leurs premiers voyages au-delà de l’Atlantique, les phases de l’humanité les plus diverses. Certaines peuplades habitaient des cavernes ou menaient la vie nomade ; d’autres avaient bâti des villes, construit des temples, et peut-être en auraient pu remontrer à leurs conquérans espagnols. Du détroit de Behring à l’isthme de Panama ; les immenses espaces de l’Amérique du Nord nourrissaient des millions d’hommes, les uns civilisés, les autres sauvages, qui n’ont pas laissé d’histoire ou dont l’histoire, si jamais elle fut écrite, a disparu à peu près jusqu’à la dernière page. Ce n’est qu’au XIXe siècle, trois cents ans après la découverte, que l’on s’est occupé de recomposer leurs annales, par conséquent lorsque les traditions orales étaient étouffées sous les idées nouvelles que les conquérans avaient apportées.

Faire revivre ces nations éteintes, tel est le cadre que M. Bancroft s’est donné la mission de remplir en se bornant à celles qui vivaient dans l’Amérique septentrionale à peu de distance de l’Océan-Pacifique. Son travail n’embrasse donc pas l’Amérique entière : l’Amérique du Sud est encore peu connue, à part le Pérou ; au nord, les états de la Nouvelle-Angleterre, et même tous ceux qui sont situés à l’est du Mississipi, ont peu d’intérêt pour l’ethnologue, car l’invasion anglo-saxonne en a presque tout à fait expulsé les indigènes. Au surplus le congrès international des Américanistes, qui s’est tenu à Nancy l’an dernier, n’a guère étendu davantage le champ de ses études. L’ouvrage de M. Bancroft est donc une encyclopédie assez complète de ce que l’antiquaire transatlantique a besoin de connaître. Il n’est pas inutile de dire sur quel plan a été rédigée cette compilation volumineuse. M. Bancroft a réuni dans une vaste bibliothèque toutes les œuvres originales relatives à l’Amérique ; il n’y a épargné ni soins ni dépenses, il a fait même plusieurs voyages en Europe dans le seul dessein de compléter ses collections. Cela fait, il en a extrait tout ce qui avait rapport à son sujet, puis les matériaux ont été condensés sous diverses têtes de chapitre. Au point de vue scientifique, la méthode laisse bien quelque peu à désirer ; il y manque de l’ensemble et surtout de la critique ; elle a par compensation l’avantage de ne rien omettre. C’est au lecteur qu’il appartient de faire un choix entre des témoignages parfois opposés, entre des conjectures souvent trop osées. Bien entendu, M. Bancroft a eu des auxiliaires. A l’en croire, chacun de ses cinq volumes