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et qui ne leur est pas même fidèle l’année durant, car il fond en même temps que les neiges, quand la température devient plus douce autour des bancs ensoleillés du Luxembourg, et, pour parler comme les pédagogues allemands du siècle dernier, Apollon fait le plus grand tort aux muses !

Que de misères aussi dans nos établissemens scientifiques ! En 1867, M. Duruy, ministre de l’instruction publique, a publié la Statistique de l’enseignement supérieur, document très étudié où se mêlent à de savantes recherches sur le passé de nos grandes écoles, des projets et des vœux de réformes ; à chaque page de l’introduction est signalé le déplorable état des institutions universitaires. « Tout Paris est renouvelé, y lit-on ; les bâtimens affectés à l’enseignement supérieur sont seuls dans un état de vétusté et d’insuffisance qui contraste avec la grandeur imposante d’autres édifices. » Suit une triste nomenclature : la Sorbonne est telle à peu près que l’a faite Richelieu ; elle ne satisfait plus aux exigences nouvelles : on a parlé de l’agrandir, et la première pierre d’un nouveau bâtiment a été posée en 1855, mais elle attend encore la seconde. L’École de médecine a besoin de laboratoires assez nombreux pour que les 1,800 élèves de la faculté y trouvent place ; si on ne les lui donne pas, « il faut faire au pays ce douloureux aveu que la science médicale française ne peut manquer d’être dépassée par la science étrangère. » Au Museum, faute d’espace, plusieurs galeries sont « moins des collections faites pour l’étude que des magasins où s’entassent des richesses stériles. » Le Collège de France est à l’étroit : « dans telle partie, la santé des maîtres est compromise par l’insalubrité du milieu ; les laboratoires ne sont que des réduits sans air, mal éclairés ; les professeurs ne sauraient former d’élèves ; tout au plus peuvent-ils avoir dans la salle des cours des auditeurs de passage, dont la curiosité sans doute est éveillée, chez qui le désir et la vocation du travail se manifestent, mais dont la bonne volonté demeure impuissante parce que la pratique de la science leur fait défaut. » Le ministre qui a eu le courage de faire au public de si pénibles aveux à plus contribué que personne à réparer le mal qu’il signalait. Des laboratoires ont été construits, et M. Claude Bernard, aux travaux de qui les savans du monde entier sont attentifs, a pu sortir enfin du « réduit » où il a été longtemps confiné sans qu’il lui fût possible d’y faire asseoir deux visiteurs à la fois. L’École des hautes études a été fondée, et elle a prouvé déjà combien est féconde l’intimité du maître et de l’élève, vivant en commun et familièrement au laboratoire ou dans la salle d’études, tout près des instrumens nécessaires au travail, fourneaux, machines, livres ou manuscrits. Ainsi a été montrée la route vers un meilleur