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l’homme du monde le plus capable « d’éveiller l’intelligence des jeunes gens, de les remplir d’enthousiasme pour la science, de leur donner le sentiment de quelque chose de plus haut que ce qu’on rencontre dans la vie quotidienne ! » Le débat dura longtemps, et la direction de l’instruction publique finit par y intervenir, près de deux ans après qu’il était commencé. Schukmann fit un rapport au roi sur la nécessité d’appeler un nouveau professeur de philosophie. « Je ne prétends pas, dit-il, juger le système de Fichte, mais il est de notoriété publique qu’il n’a rien à voir avec les sciences positives ni avec la vie pratique. Tous les journaux et un grand nombre d’écrits montrent au contraire que la philosophie naturelle de Schelling domine les esprits. Il ne m’appartient pas de donner une opinion sur cette philosophie, ni de décider si elle n’est pas un pur produit de l’imagination et d’un esprit pénétrant jouant avec des hypothèses ; ce qui est certain, c’est qu’elle a trouvé accès dans les sciences positives, qu’on l’y prend pour guide dans les recherches, et qu’à moins d’y être initié, on ne comprend rien aux écrits contemporains sur la médecine, la physique et la chimie. Je pense donc qu’il est indispensable d’appeler un professeur chargé d’enseigner ce système. » Voilà un modèle de la conduite que doit tenir l’état dans un débat tout scientifique : impartial ; mais bien informé, il ne doit être guidé que par l’intérêt supérieur de la science.

A la fin de septembre 1810, les apprêts étaient terminés. Le règlement intérieur avait été arrêté après que trois professeurs, délégués par leurs collègues, eurent visité les universités anciennes pour y consulter les traditions et l’expérience. Les facultés avaient nommé leurs doyens ; les professeurs ordinaires, formant le sénat académique, avaient élu le recteur : Schmalz revêtit le premier la dignité rectorale, qui lui conférait le titre de « magnificence » et le droit de figurer à la cour. On avait choisi le sceau de chaque faculté, puis celui de l’université. Le 22 septembre, le roi reçut le rapport final, et le programme des leçons, où se lisaient tant de noms de professeurs illustres, fut publié. Le 1er octobre, le registre des inscriptions fut ouvert. L’opinion publique en Allemagne s’intéressait vivement à ces débuts de la grande institution. La Gazette d’Augsbourg saluait « la renaissance intellectuelle d’un état durement éprouvé,  » et elle félicitait Berlin, au nom a de tous ceux qui ont des sentimens allemands, qu’ils habitent aux bords du Rhin ou bien aux bords du Danube ! » Enfin, le 10 octobre, après que les professeurs eurent prêté entre les mains du recteur « le serment d’être fidèles et obéissans au roi et de se consacrer tout entiers à l’université,  » le sénat académique fut officiellement constitué. Presque tous les cours étaient ouverts à la fin du mois. Il n’y eut point