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C’est dans le choix du personnel, où il ne rencontra pas de contrariétés, que Humboldt a rendu les plus grands services. Il eut la satisfaction, sachant exactement ce qu’il voulait, et voulant ce qu’il fallait, d’agir suivant sa volonté. Que ne puis-je citer en entier le rapport au roi, où se montre si bien l’unité de ses convictions politiques et scientifiques ! « Déjà, dit-il, les réformes qui ont été faites dans l’état ont assuré à la malheureuse Prusse le premier rang comme puissance intellectuelle et morale en Allemagne : parmi ces réformes, la création de l’université sera l’une des plus importantes. Dans un temps où un maître étranger et une langue étrangère dominent en Allemagne, il n’y a presque plus de libre asile pour la science allemande : il en faut ouvrir un et y appeler les hommes de talent qui ne savent plus où se réfugier. » Il se mit à la recherche de ces hommes. Il eut soin de s’éclairer des meilleurs conseils, car il appela auprès de lui une « délégation de savans,  » chargée d’arrêter « les principes pédagogiques et les maximes dont l’administration devrait s’inspirer ; » mais nul ne connaissait mieux que lui ces principes et ces maximes : il en a semé les admirables lettres qu’il a écrites de sa propre main à tous ceux qu’il voulait appeler à l’université de Berlin, et ses rapports au roi sur ces vocations. On en pourrait composer ce qu’on appelle en langue de bureau des notes du personnel, où l’on verrait quelles qualités Humboldt requiert d’un professeur. Il loue Fichte d’être un des premiers philosophes de l’Allemagne, mais aussi un homme « qui, dans le commun malheur, a donné les preuves les plus convaincantes de la fermeté de son caractère et de la pureté de son patriotisme ; » chez Schleiermacher, le talent du « professeur de théologie le plus distingué, du prédicateur le plus aimé de Berlin,  » mais aussi « le caractère le plus incorruptible. » Il prie le roi d’appeler à Berlin Reil, « un des meilleurs médecins de l’Allemagne,  » et qui a fait faire les plus grands progrès à la science ; d’ailleurs, ajoute Humboldt, « Reil a sur l’organisation des études médicales des idées qui suffiraient à rendre sa présence très désirable ici, et en même temps il se recommande par son caractère et par son ferme dévouement envers votre majesté royale et l’état prussien. » de pareilles propositions sont faites pour Savigny, professeur de droit à Landshut, « l’un des premiers, parmi les juristes allemands, qui traite en philosophe la science du droit, s’éclaire au flambeau d’une vraie et rare érudition philologique, et qui saura diriger l’étude de la jurisprudence, aujourd’hui hésitante et embarrassée entre la vieille législation romaine et la moderne ; » pour Klaproth, « qui a enrichi la chimie par ses découvertes et auquel il faut donner le moyen de se consacrer sans souci à la science ; » pour vingt