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parois intérieures étaient revêtues d’un mortier colorié, peintes à fresque ainsi que les plafonds, ou incrustées de mosaïques en verres de couleur. Les grands propriétaires fonciers qui formaient l’aristocratie gallo-romaine, comme plus tard ils formèrent l’aristocratie féodale, bâtissaient dans des sites agréables de véritables châteaux, composés de deux corps de logis, l’un au midi pour l’hiver, avec des tuyaux dans les murs pour réchauffer les pièces, l’autre au nord pour l’été, avec des conduites d’eau pour entretenir la fraîcheur ; ce qui prouve qu’en fait de confortable les architectes gallo-romains sont nos maîtres, car pour nous défendre contre les chaleurs caniculaires nous en sommes encore aux persiennes et aux stores.

Rome avait apporté dans la Gaule les douceurs de la vie, les raf-finemens du luxe et de la parure ; le christianisme à son tour y apporta les renoncemens de la pauvreté, les habits grossiers, vestes asperas, le cilice et la bure ; mais il était plus facile de renverser les statues des faux dieux que de faire quitter aux femmes les riches broderies, les étoffes moelleuses. Plus d’une belle chrétienne se badigeonnait le visage de vermillon et de céruse, mettait du noir autour de ses yeux pour les faire paraître plus grands, et marchait en faisant craquer ses souliers, ce qui était une marque de suprême bon ton. Les pères de l’église avaient beau tonner contre les artifices de la coquetterie, qu’ils appelaient des inventions de Satan, ils avaient beau maudire la soie, on se disputait au poids de l’or cette précieuse denrée, qui se vendait la livre, du temps de Dioclétien, 620 francs de notre monnaie quand elle n’avait reçu aucun apprêt, et 9,800 francs quand elle était teinte en pourpre de Tyr. L’extrême variété des vêtemens et la seule énumération de leurs noms suffit à montrer combien l’industrie et la bienvivance étaient florissantes dans la Gaule au IVe siècle, malgré les intolérables exactions du fisc impérial. Habits de voyage en grosse étoffe, habits de ville aux couleurs éclatantes, robes à ramages festonnées avec des plumes d’oiseaux, il y en avait pour tous les rangs et tous les goûts, depuis la trabée jusqu’à la castorine, castorina vestis. Le plus riche et le plus honorifique de tous ces vêtemens était le pallium, manteau carré, attaché sur l’épaule gauche par une agrafe, et relevé à droite de manière à laisser la main et l’avant-bras libres. Porté par les philosophes de l’antiquité païenne, il fut adopté par l’église, qui voulait sans doute témoigner par la qu’elle donnait droit de cité à la sagesse antique. La papauté en décora les évêques : la société civile en fit la marque distinctive des plus hautes fonctions, et la royauté son manteau d’apparat. Les étoffes que ne fournissaient pas les fabriques indigènes étaient tirées de l’Orient, et même de l’extrême Orient, car l’Inde avait été ouverte aux occidentaux par