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vapeur entre Panama et Valparaiso, à la construction du chemin de fer « Grand-Central argentin » entre le port de Rosario sur le Parana et la seconde ville de la république argentine, la ville de Cordova, capitale de la province argentine de ce nom, chemin de fer qui, dans la pensée de son fondateur, était destiné à préparer une double communication par voie ferrée entre Buenos-Ayres et le Chili et entre Buenos-Ayres et la Bolivie, enfin à la construction d’un chemin de fer de proportions plus modestes, mais d’intentions politiques et commerciales grandioses, entre Buenos-Ayres et la baie de la Ensenada, à dix lieues au sud de cette ville, dont une politique intelligente et nationale aurait depuis longtemps fait le véritable port de Buenos-Ayres, au lieu de la rade fluviale si incommode pour le commerce, si peu sûre, si difficile pour le chargement et le déchargement des marchandises, conservée obstinément comme port par des intérêts locaux qu’il ne serait pourtant pas impossible de concilier avec un ordre de choses différent Cette dernière entreprise a couronné l’existence de M. Wheelwright en reliant sa vieillesse à ses jeunes années, cinquante ans après le naufrage qui décida de sa destinée, par un enchaînement de circonstances singulières, et qui avait précisément fait entrevoir à son actif esprit l’utilité et la haute portée du projet dont il a vu l’accomplissement. Tel est, en peu de mots, et en laissant de côté une foule de travaux et d’entreprises secondaires plus ou moins étroitement liées à ces trois œuvres capitales, comme phares, jetées, découverte et exploitation de mines de charbon de terre dans le sud du Chili, le résumé de la vie de M. Wheelwright. L’auteur de ce juste hommage rendu à sa mémoire, M. Alberdi, ancien ministre de la confédération argentine en France et en Angleterre, écrivain politique de premier ordre, polémiste ardent et penseur profond, a su donner à son sujet un vif intérêt historique et une élévation dont on jugera par l’extrait suivant de l’introduction :

« L’histoire de l’Amérique a besoin d’être réformée pour l’amélioration de sa politique. N’est-il pas temps en effet que l’histoire de ces pays soit autre chose que ce qu’elle a été jusqu’à présent, celle de leurs guerres et de leurs guerriers ? Dans la plupart des nouveaux états qui s’y sont formés, l’histoire de la guerre y aurait un sens utile et un enseignement fécond, si elle y était en général, et non pas seulement par exception, l’histoire des pertes de territoire et des autres dommages éprouvés par les uns sans profit pour les autres, celle de la naissance et de l’accroissement de leurs écrasantes dettes publiques, si funestes pour leurs progrès. On y verrait alors que ce qui compense ou répare les désastres provenant de ces désordres est le progrès naturel et spontané dû. au commerce, à l’industrie, qui cependant n’ont occupé aucun des historiens de la grande révolution hispano-américaine, plus économique encore que politique au fond des choses et dans son essence….

« L’histoire du commerce, de l’industrie, de la richesse, des