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Certes, s’il est dans le monde, en dehors de l’Europe, un pays qui étonne par les prodiges de sa croissance et avec lequel la France garde de vieux liens, c’est l’Amérique du Nord, c’est cette grande république de l’Union américaine qui se prépare a célébrer le « centième anniversaire de sa naissance » par l’exposition universelle de Philadelphie. Ces jours derniers encore, à Paris même, il y avait comme un prologue des fêtes du centenaire américain dans des réunions de circonstance. Les uns cherchent de l’argent pour envoyer des délégations d’ouvriers à l’exposition de Philadelphie ; ce serait fort bien, si les organisateurs de ces missions ne se croyaient pas obligés de dénaturer les choses les plus simples, si M. Victor Hugo, qui est partout, ne se faisait pas un triste devoir de flatter les ouvriers, les « hommes de Paris » qu’il appelle « la vaillante jeunesse de l’humanité, » les mandataires de « la conscience du genre humain, » s’il ne tenait pas à parler de tout, de son exil, de l’amnistie, de Papin, de Fulton, de Gutenberg, des « députés de Voltaire dans le pays de Washington ! » D’autres, des Français plus désintéressés et plus patriotes, ont imaginé une manière nouvelle de participer aux fêtes américaines ; ils ont eu l’idée d’ouvrir une souscription pour élever à l’entrée de la baie de New-York une statue colossale, image durable de la liberté américaine et de l’alliance par laquelle les États-Unis se sont fondés. Dans cette dernière réunion, M. Edouard Laboulaye, qui heureusement ne parle pas comme M. Victor Hugo, a su rester sans effort dans le ton naturel d’un esprit sensé, en rappelant cette époque que les Américains vont célébrer et le rôle de la France. Voilà cent ans, en effet, que les treize colonies anglaises se sont levées pour s’affranchir. C’est de 1776 que date la première déclaration d’indépendance. Ce n’est que dix ans après que les États-Unis, secourus par la France, par les Lafayette, les Rochambeau, arrivaient à se constituer définitivement : ils étaient à peine alors 3 millions d’hommes, ils ne dépassaient pas les monts Alleghanys. Encore en 1830 ils ne comptaient pas plus de 12 millions d’âmes. Aujourd’hui ils ont une population de près de 40 millions d’hommes sur un territoire plus grand que celui de l’Europe ; ils vont de l’Atlantique à l’Océan-Pacifique. Ils sont une des premières puissances du monde, et c’est dans cette ville même de la Pensylvanie où fut votée la constitution fédérale, c’est à Philadelphie qu’ils donnent rendez-vous à l’industrie universelle dans cette exposition près de s’ouvrir au milieu d’un pays fertile et riant. Voilà certes une manière originale et brillante de célébrer le premier centenaire d’un peuple !

C’est par la liberté et par le travail que s’est accompli ce miracle d’une puissance grandissante. L’exposition de Philadelphie n’est pas tout cependant, et au moment même où les merveilles de l’industrie vont se déployer dans une des villes historiques des États-Unis, bien d’autres problèmes s’agitent sur cette terre si rapidement transformée par une